Saison 6 - Episode 2 : Adios Puerto Montt
Adios Puerto Montt, la Cardinale largue ses amarres le mercredi 11 mars.
A bord, Benny avec Jeanne et Tim et Hervé puis Solenne tandis que Benjamin démarre avec Alberto la première sortie de Mafioso. Cap en direction de Huelmo, petite marina presque déserte mais qui a laissé son « quincho » (club) ouvert aux navigateurs.
Dans une salle rustique et claire, une grande table carrée est prévue pour accueillir les marins. Une grande
cheminée permettrait des grillades mais nous profitons simplement de la douceur du lieu et du confort d’un déjeuner de salade composée et de fromage avec le bon pain de La Cardinale et, faut-il le dire, nous
trinquerons joyeusement à sa première sortie !
La campagne est toute fleurie avec des hortensias de couleur pourpre, des chemins à prendre, elle est vallonnée et odorante avec ses bosquets d’eucalyptus. Avec Solenne, nous cueillerons tant de mûres qu’elles feront un bon kilo de confiture.
Alberto propose une escale sur l’île Puluqui chez son amie Juanita qui peut nous faire un diner pour le lendemain… Ah quelle belle rencontre mes Amis !
Après une navigation un peu brumeuse et ventée dans les canaux, les deux bateaux trouvent une bouée pour s’amarrer devant la maison éclairée. Une jolie table avec une nappe blanche, des verres à pied, des convives gourmands et heureux d’être là, le diner sera fameux : huitres sauvages, merluza grillé et pommes de terre. Le tout, arrosé mais faut-il le dire…
Pendant que nous prolongeons la soirée, Juanita, dans sa cuisine et derrière son poêle, tricote un chandail gris. « C’est la laine de mes moutons… Je l’ai cardée et filée… » Son attitude est paisible, avec un visage serein et souriant et quand ses doigts font gambader les aiguilles de bois avec cette aisance-là, je m’approche, bluffée...Elle va vite… Alberto vient aussi. Il s’amuse à nous voir toutes les deux parler tricot avec les mains. Possible d’acheter de la laine blanche… ?
-- Si ! répond Juanita qui m’apporte trois belles pelotes de laine blanche de ses moutons. Joie ! Joie décuplée quand Juanita m’offre une paire de ses aiguilles de bois ! Et pour la coda de l’histoire, je rajoute ici que nous sommes repassés devant chez elle après que l’heure du confinement ait sonné, soit un mois plus tard, je voulais racheter de la laine blanche si Juanita en avait de reste. Juanita était devant sa maison, un foulard autour de la bouche, comme Benny et moi avec nos masques, manifestant de loin chacun son plaisir de se revoir avec des gestes de désolation mêlés à ceux qui venaient du cœur.
Je montre à Juanita le tricot que j’ai commencé et elle comprend aussitôt que je n’aurais pas assez de laine. Espera ! lance-t-elle en courant vers sa maison. Juanita revient avec une grande cape crochetée avec la même laine et elle m’invite à la détricoter pour l’utiliser. Et elle y glisse un pot de confiture des mûres de son jardin. Chère Juanita… Nous reviendrons, c’est promis…
Le lendemain du diner chez Juanita, nous prévoyons d’aller à Mechuque, une île proche de Chiloé. Hervé se propose pour aller avec Alberto tandis que nous gardons Tim et ses amis. Pluie, vent frais, dans le nez, ce n’est pas encore aujourd’hui que Solenne et Benjamin feront de la voile. La lumière de cette fin de journée donne un éclairage étrange à ce petit village de pêcheurs et de charpentiers. Les maisons au bardage de bois semblent pour la plupart délaissées, et si le soleil ne réchauffait pas un peu leurs
couleurs, on les croirait presque abandonnées. Certaines le sont vraiment.
Pourtant, à l’entrée du village, par la côte, un curieux estaminet de brocante a laissé sa porte ouverte et nous découvrons tout un capharnaüm de bricoles hétéroclites, allant de maquettes de bateaux, à des machines à coudre de toutes sortes alignées sur leur table comme si des petites mains
allaient s’y activer ; puis des statues de pierre, ou des cuillères ou des médailles de bronze.
Nous sommes dans le Museo Historico de Don Paulino, et très aimablement accueillis par lui-même. Puis nous traversons le village par un long pont de bois, rouge et bien charpenté. Chapeauté en son milieu, le pont garde fière allure.Insolite vestige d’une vie plus animée ? Lieu du tourisme d’antan ?
Nous apercevons des silhouettes furtives et rares. Si certaines maisons gardent encore leur élégance, elles semblent avoir trop attendu et ne se laissent plus visiter que par des chats et les racines
vermoulues. Le soleil décline et les maisons sur pilotis gardent encore un instant leur couleur d’un bleu délavé, très délavé. Bravement hissées sur leurs guiboles de bois mouillées, ces maisons-là semblent inhabitées jusqu’à ce qu’un œil attentif repère qu’à la fenêtre, là-haut, un bout de rideau a bougé.
Nous rentrons à bord et et sommes heureux de voir arriver Mafioso avec Alberto et Hervé.
Le lendemain, ce sera mon tour d’aller à son bord et j’avoue que cette perspective m’enchante même s’il est prévu que La Cardinale prenne Mafioso en remorque. Nous irons jusqu’à Castro, sur l’ile de Chiloé. 30Mn à faire au moteur donc mais avec ce gentleman, c’est un pur plaisir. Alberto est heureux à bord, son bateau est très bien équipé, il a tout sous la main, à proximité et se réjouit de m’offrir de bons sandwiches et du café. Puis il met à me proposer une paire de jumelles pour mieux observer une église, là-bas au loin, sur la côte de Chiloé. Très anciennes mais de qualité, ses jumelles mériteraient un petit nettoyage dit-il…
Alberto va les démonter complètement, silencieusement et malicieusement à la fois… Tous les outils fins sont sortis, il est debout dans le bateau et face à moi qui ai l’honneur de tenir la barre. Son plan de travail près du rail d’écoute, il a tout dévissé. Même le WD40 est de sortie, de l’alcool et des chiffons de
papier. Alberto lustre avec ardeur les verres polis et les bagues. Je reste aussi silencieuse que lui sauf pour l’encourager de temps en temps. Assidu et déterminé, Alberto réussit à tout revisser et cela juste devant une autre chapelle qui demandait à être reconnue !
Et nous arrivons à Castro,
la plus grande ville de L’île de Chiloé, Castro. C’est là aussi que nous accueillerons Francis et Yves qui auront su venir de France et ainsi passer in extremis entre les mailles du filet. Les inquiétudes face au Coronavirus sont bien présentes et nous avons conscience de la précarité de notre situation mais aussi de notre particulière chance d’être à bord. Il faut faire rapidement quelques courses et s’échapper dans les canaux.
Les supermarchés sont pris d’assaut, il n’y a déjà plus de farine, les rayons se vident dans la foulée. Nous
ferons l’essentiel à temps. Tim, Solenne et Benjamin préfèrent rester sur l’île et découvrir le Pacifique par la terre. Il y a toujours des bus et les déplacements ne sont pas encore interdits. Leur deuxième partie de
voyage reste à faire vers le Nord. Le pourront-ils ?
Nous allons tous les sept diner tranquillement dans un bon restaurant de Castro tandis que tout est encore permis. Encore un dernier jour de tourisme à Castro pour ce dimanche 15 mars à déambuler tranquillement dans la ville et à visiter la très belle église de bois San Francisco, manger des glaces et nous retourner vers le port pour diner encore une dernière fois tous ensemble.
Demain, nous partirons vers le Sud de Chiloé, toujours avec Alberto qui cette fois sera tout seul. Les méfaits du Coronavirus s’étendent et nous devons respecter des consignes de confinement. Mais nous sommes inquiets pour Tim et ses amis. Quels risques pour eux ? Pourront-ils se déplacer ?
Rentrer en France comme prévu pour eux ? Et en France, comment cela se passe-t-il ?
Est-ce qu’on pourra retrouver Tim si l’interdit d’aller à terre est aussi drastique ?
Finalement, c’est dans le port de Quellon et grâce à des pêcheurs que Benny pourra aller avec eux dans leur annexe sur la plage et ainsi récupérer Tim.
L’équipage de La Cardinale est paré pour aller dans les canaux en attendant
le « Zarpe », la permission de sortie pour la grande Traversée.
La Plume qui vous embrasse.