Saison 5 - Chapitre 7 : Ali Baba


Jeudi 9 mai, vendredi 10 mai. Journée de RTT à Castro petite ville bonhomme plein de charme, et centre du monde ici à Chiloé. On troque nos habits de marins pour endosser ceux de touristes complaisants. Visite du petit marché de l’artisanat sur le port. Chacun d’entre nous profite de la bonne occasion pour faire ses petits achats à l’intention de ceux qui nous sont chers, là-bas chez nous. Visite incontournable de l’église San Francisco, remarquablement construite tout en bois et décorée des plus belles essences. Elle compte parmi les 6 églises et joyaux de l’île inscrites au patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Accueil sympathique et déjeuner de prince à l’auberge ‘El Sacho’, ancre en espagnol. A n’en pas douter un nom prédestiné à nous accueillir, nous et tous les marins du monde. Mais peut-être plus encore notre Capitaine. Sous ses airs de flibustier, Benny se retrouve par le plus grand des hasards face à une vieille connaissance. La charmante Sandra, notre serveuse toute émue de retrouver son hidalgo. On se connait, je vous connais, on s’est déjà vu. Si, si, je sais. Elle cherche. Peut-être à la télévision ? Benny en sourit mais il ne lâche rien. Ni à la Dame ni à ses amis. Benny garde pour lui le mystère et les secrets de ses vies passées.

En fin de journée, après avoir redéposé Pidou au bateau - des affaires courantes à traiter d’urgence le rappelant à bord - Christophe, Sylvie et moi nous accompagnons Benny à la librairie ‘El Tren’. Nous avions croisé Véronica le matin dans sa boutique. Benny, en quête des clés d’interprétation du joli livre de poèmes « Cien Sinapsis », que son amie Perla Bollo lui a offert et qu’elle a consacré à Flor sa maman, comptait sur la sympathique libraire pour l’y aider. On n’a pas peut-être trouvé les clés que cherchait Benny, Veronica étant très absorbée par l’activité fébrile de son commerce, mais nous avons partagé un moment plaisant avec Gabriella la vendeuse de bijoux et la jeune et jolie Brenda, curieuse des aventures de la Cardinale, et de l’Antartida. On ne rentre pas à bord sans un dernier petit détour à ‘Barra Cervecera’, pour une ‘petite’ bière à découvrir dans l’incroyable choix dont est pourvue la carte. Rencontre heureuse. L’équipage d’Ali Baba que nous venions de voir arriver au mouillage sont heureux de nous raconter leurs incroyables aventures et leur long périple depuis Oslo sur le petit bateau. Il y Jorgen le capitaine, Karoline  la ‘cousin-sister’ de Jorgen et jeune caphornière à 19 ans, et le pote Eirik. Tempête à Puerto Natales, échouage au pied du Ventisquero San Rafael, plongeon norvégien dans l’eau glacée…Les aventures d’Ali baba ne sont pas près d’être finies, il y a encore beaucoup d’eau devant l’étrave avant de rentrer en Norvège. Bravo Ali Baba pour votre jeunesse. Bravo pour votre audace et pour votre enthousiasme. Hasta la vista !


Mechuque


Samedi 11 mai Après avoir envisagé un arrêt sur Quinchao pour aller visiter l’église d’Achao, la plus ancienne et la plus belle de Chiloé datant du 18ème siècle, la météo contrariante pour les deux prochains jours nous recommande une escale d’attente dans la calera de Mechuque, avant de nous engager dimanche dans le Golfo de Ancud. Par un temps particulièrement maussade, nous rejoignons Mechuque en empruntant l’étroit canal Delcahue. Sinueux et pavé de hauts fonds mais sans soucis pour notre Capitaine qui nous mène à bon port. Le lendemain samedi est tout aussi triste que la veille. Nous mettons pied à terre à découvrir le village de Mechuque. La petite cité d’un temps passé semble figée dans une histoire révolue. Ici, c’est la rivière qui a dessiné l’organisation tortueuse des ruelles entrelacées qui composent un écheveau de maisons traditionnelles, érigées sur les palafitos et habillées de tejuelas*. Sans doute dans cette petite île une synthèse de l’archipel de Chiloé. Une petite cité de caractère d’une grande beauté séduisante, d’une grande tristesse dramatique.

*bardeaux de bois


Ultime


Dimanche 12 mai. La météo qui nous avait annoncé un vent mollissant est au rendez-vous, mais pas le soleil. Nous quittons dès l’aube le mouillage de Mechuque pour notre dernière navigation d’une quarantaine de miles. Nos éclaireurs de l’Esprit d’Equipe n’ont pas pu sortir leur bateau à Puerto Montt, pour panne de travel-lift et embouteillages sur les pontons des deux marinas susceptibles de nous accueillir. C’est ainsi que grâce à eux, nous faisons route vers la toute petite Marina Costa de Huelmo, où ils nous ont réservé une place à côté de leur bateau. Elle est située dans une petite crique à 11 miles au sud de Puerto Montt, à une vingtaine de kilomètres en voiture. Après avoir traversé l’Ancud, nous changeons de plan d’eau pour passer maintenant dans le Seno Reloncavi. En quelque sorte, la grande baie de Puerto Montt et la dernière section de notre trajet. Exceptés les invraisemblables bouées de casiers mouillées tout au long de notre parcours par près de 200 m de fond, et le méandre alambiqué entre les bassins d’élevages de saumons et d’huîtres qui encombrent l’accès à la marina, notre ultime navigation amène la Cardinale sans encombre au ponton qui l’attend, et nous auprès de nos amis.  

En bonne compagnie, face aux vents dominants, à la pointe de l’île une vue imprenable sur le Volcano Cabulco qui parade au-dessus de la métropole régionale, La Cardinale attendra là le retour du Capitaine.   


Xavier Fraud