Saison 6 - Journal de bord du Cook 1 : 19 Mars au 24 Avril

Il était parti travailler sur la Cardinale du 14 janvier 2020 au 17 février 2020 (Sortie de l'eau et remise en état du bateau)

Période de quarantaine avant le grand départ

Équipage de la Cardinale : Bernard le capitaine et sa femme (73 et 70 ans) ce sont des fondus de navigation. Tim leur fils (37 ans), Francis et Herve dit le sec (un des meilleurs potes de Francis) 64 ans et Yves 64 ans

Jeudi 19 mars 2020

Après deux mois de gros travaux de rénovation de la Cardinale, nous sommes en navigation  dans les canaux depuis deux jours afin de nous mettre en quarantaine sans être bloqués au port. Nous avons quitté CHILOE in extremis, la marina privée où nous étions le 18 a bloqué ses portes et les bateaux y sont consignés. Le 19 à Quellon, l’armada a failli nous coincer et on a juste eu le temps d’embarquer Timothée, le fils de Bernard et Jeanne et se barrer après quelques courses finales, café et épices. Nous nous planquons dans des petites caletas au début des canaux sous Chiloé. Le temps est très gris mais le paysage est magnifique avec une myriade d’Iles partout et la faune habituelle d’oiseaux et de phoques. Nous rentrons dans le rythme cardinale : navigation, musique, bricolage, cuisine, un rythme hors du temps qui nous convient parfaitement. Nous parlons bien sûr très souvent de la situation en France et dans le monde même si là on a plus de nouvelles. Le GPS Garmin qui devait permettre de nous suivre n’a malheureusement pas été activé et là c’est mort vu que plus personne ne bosse, trop con, j’enverrai donc la position par mail de temps en temps.

Nous n’avons pas encore décidé de la suite, mais a priori on reste une dizaine de jours planqués au cas où quelqu’un déclarerait le virus (on est à 24H en gros d’un hôpital) puis on devrait commencer à remonter vers le nord avant de bifurquer plein ouest pour une traversée du pacifique vers l’archipel des Gambier, sans s’arrêter à l’Ile de Pâques qui est chilienne et où tout est bloqué. Timothée se tâte pour traverser … on verra.

On arrive juste dans la Pozo Delfin qui porte bien son nom puisqu'un  dauphin nous accueille, même temps que l’année dernière : temps bouché  et averses éparses, mais moins froid quand même, pas âme qui vive, on est donc peinards. 

On est près d’une petite ile a l’ouest du canal Moradela, position 44° 29’ 427 Sud et 73° 47’ 109 ouest. Nous allons donc rester là en espérant que le temps s’améliore dans les jours à venir.

Dimanche 22 mars : PLUIE, PLUIE, PLUIE  

Ce Dimanche, nous sommes dans le dur patagonien, c’est-à-dire la pluie continue que nous n’entendons  pas, l’averse tambourine légèrement sur le pont et la rincée qui couvre la musique et presque les conversations. Confinement total dans la cardinale  pour l’équipage avec les ateliers divers habituels : bricolage (toujours numéro 1)  lecture, traitement des photos, mails, et cuisine. pour moi. Je me lance dans un couscous au cochon avec saucisses chiliennes et côtelettes de porc  revenu au chimichuri, merken et cumin.. Succulent et après le café çà sera sieste pour tout le monde …reprise des ateliers après le thé : bricolage , couture, tout cela en musique car j’ai découvert sur j’avais sur mon disque toutes les « compils à Michel » musique mythique du bord depuis 4 ans. Le soir je prépare un bouillon thaï pour le soir en pensant à Cédric : légumes, épices, soja et fins morceaux de calamar géant : une merveille (sans fausse modestie). Nous

lisons les nouvelles de France, peu encourageantes. Cinéma ce soir, le sec a emmené plus de 60 Films et nous regardons PANDORA (années 50) , histoire du Hollandais volant avec Ava Gardner et James Mason en technicolor : cool. Nous nous couchons bercé par les averses et les rincées, les fuites commencent à

apparaitre mais le moral est au beau fixe.

Lundi 23 mars : 

Grasse matinée (lever 9H) vu le temps. Après un bon petit déjeuner nous démontons avec Bernard le groupe électrogène qui n’a pas voulu démarrer hier. UN fusible de grillé à changer, un contact défectueux et c’est reparti. Je peux préparer un excellent hachis parmentier. Le temps s’améliore et nous zappons la sieste.

Timothée et Jeanne tente une sortie en annexe pour une ballade mais la forêt patagonienne est impénétrable. Je repars avec Tim pour un autre tour sans succès mais nous trouvons de l’autre côté de notre crique un bel endroit pour un ASADO…

Fin de journée sous un demi soleil, les lessives sont de sorties. Dîner avec un mélange du reste de bouillon et de légumes de couscous et du bouillon thaï : c’est goutû à souhait. Nous avons un superbe gâteau au chocolat pour l’anniversaire d’Yves qui a le même âge que moi à un mois et demi près. Deuxième soirée film avec TRUE GRIT des frères COHEN : super, on prolonge avec un petit

5000 où le sec nous éclate en faisant 4200 points d’un coup. Le ciel est à moitié dégagé et la croix du SUD nous fait de l’œil : cela sent bon l’ASADO !!

Mardi 24 mars : ASADO (barbecue sur feu de bois)

Le ciel est moitié bleu, quasiment pas de vent, le moral de Timothée remonte et je découpe le 3ème morceau de calmar pour le faire marinée à l’ail et aux herbes de Chiloe. Nous attaquons le feu vers 11H00 avec tout ce qu’il fait comme bois mort pas trop humide pendant que Tim répare le kayak. Deux tours d’annexe pour débarquer tout le pique nique et apès l’apéro nous dégustons le calmar géant grillé : un délice , accompagné d’un Misiones delRengo chardonnay 2019. Puis café chocolat, bref grand menu cardinalesque. Vers 15H00 les dauphins que l’on voit régulièrement tourner  viennent nous visiter à 20 mètres du bord ; ils passent et repassent lentement en soufflant et je ne résiste pas à l’envie de me mettre à l’eau pour essayer de les rejoindre, mais sans succès. L’eau est fraîche (14°c) et j’y reste juste 10 minutes avant de sortir et de me sécher à notre grand feu alimenté par les plastiques ramassé sur la plage (eh oui même ici ☹ ) et le stock de vielles revues nautiques débarquées du bord, puis par nos poubelles d’une  semaine. L’heure est douce, je rentre prendre une douche et me rincer à la

douchette arrière, Tim et Jeanne font une ballade en kayak , les autres sont autour du feu. Le bonheur d’être en ce bout du monde sans personne, nous terminons la soirée par une belle omelette aux légumes, un 5000 prolongée et une veillée aux étoiles incroyable : pas un nuage, as Absence de vent, la voie lactée en pleine  figure  et notre crique parsemée d’étoiles en reflet, c’est magique ! Des ciels que l’on voit rarement chez nous sauf en mer un peu au large ou en montagne. La quiétude est totale et le sentiment d’immensité est omniprésent.

Mercredi 25 mars

Aujourd hui mercredi ciel sans un nuage, une merveille, nous allons bouger faire une dizaine de milles en essayant d’accoster dans une marina privée qui nous le pensons est désertée à cette saison, donc sans risque de choper ce satané virus.

Rangement tranquille ce matin, il fait encore très beau, grand bleu avec aucun nuage, le feu de la veille fume encore et nous en profitons pour y brûler nos dernières ordures. Après un déjeuner tranquille en terrasse nous partons pour la caleta Jehica où se trouve la marina. A l’arrivée il  y a deux 45 pieds sur un ponton minuscule, un sloop et un cata. Un gardien, ridé et la peau tannée, en habits dépenaillés vient à notre rencontre dans une petite barque avec deux chiens efflanqués. Il nous explique que nous ne pouvons descendre à cause bien sûr du confinement, et nous décidons de repartir plus loin à 5 miles vers le nord pour la caleta Valverde (sur le guide des italiens). Nous devons faire le tour d’une grosse ferme à saumon pour s’enfoncer au fond de la caleta. Les parcs remplis de saumon sont reliés à une barge maison sur laquelle nous supposons vivent les ouvriers piscicoles qui rejoignent le parc avec un pneumatique. Après avoir mouillé et pris un thé, Tim et Jeanne vont se balader en annexe et découvrent à l’arrivée d’un petit cours d’eau que le fond est plein de crabes de belle taille.

Nous prenons l’apéro en échafaudant les plans de pêche avant un plat de lentilles saucisses cardinale excellent. La vue est encore incroyable sur la voie lactée avec aucun nuage ni aucun souffle de vent. Le bout du monde nous régale de ses ciels.

Jeudi 26 Mars

Lever 8H30, marée oblige, mais le cours de Yoga de Tim nous mettra en retard. Nous sommes deux à le suivre avec Jeanne, c’est très agréable et le rituel prendra forme. Nous partons ensuite à la pêche avec Tim en ayant débarqué Jeanne. Avec un peu de mal car la marée remonte nous choppons 6 beaux crabes dont un vraiment gros. Tim le pousse avec la rame et j’essaie le de prendre dans un seau, exercice de coordination qui laisse la chance au crustacé qui a vite fait de se planquer dans les algues. Nous rentrons en pêcheurs triomphants et la marmite est aussitôt sur le feu. A 13H00 nous dégustons notre récolte au soleil, que je prépare à la méthode traditionnelle avec un grand bol spécial «  Francis Brucelle ». Un Délice. L’après-midi, nous décidons avec Jeanne et Bernard de tenter une ballade vers un lac. Cela tourne vite court, la

forêt primaire se révélant comme la plupart du temps impénétrable et nous rebroussons chemin très vite pour finalement se consacrer aux changements des filières en remplaçant le câble par du Dynema. Bel exercice de matelotage que j’affectionne avec couture d’œil sur cosse, surliure, etc… Ce soir spaghetti « Del mare Pomodoro au calmar … trop bon… puis soirée chansons demandée par le capitaine pour son dernier jour à 72ans. Répertoire habituel bien maîtrisé, la bouteille d’armagnac et quelques bières n’y survivront pas…

Vendredi 27 Mars, Anniversaire de Bernard

Le temps a viré, il pleut à verse, temps patagonien, donc grasse matinée, c’est-à-dire lever 9H00 et petit déjeuner tranquille qui traîne en discussion. Ateliers tranquilles dont couture pour le gros sac de bricolage qui est mort de sa belle mort. Menu tranquille, on pense s’orienter vers une sieste collective mais finalement la pluie cesse. Nous pouvons terminer les filières avec Hervé et Yves pendant que Tim commence à préparer le gâteau de ce soir. Jeanne et Bernard font une balade à terre et je prends le kayak pour aller couper un manche d’épuisette en vue d’une deuxième pêche aux crabes. Je trouve tout ce qu’il faut dont un conifère souple et résistant. Je reviens rapidement car la marée a baissé et les crabes sont là. Pendant qu’Yves m’épluche les pommes de terre, mon épuisette est construite à la hâte et nous filons à 19H30 la tester  avec Tim : 9 crabes en ¼ d’heure, c’est d’une efficacité redoutable : On repère la proie, Tim la pousse avec la rame et je l’attrape de l’autre côté avec l’épuisette. Nous revenons pour l’apéro : Pisco bien sûr et gougères de Jeanne, nous devons  patienter mais Tim termine sa meringue pendant que je lance les patates rôties. Il flambe ensuite la meringue réalisée avec les blancs montés en neige par Yves : du bel ouvrage collectif, on croirait une brigade de cuisine toute dévouée au repas d’anniversaire du capitaine. Pisco Sour et gougères, Filet de bœuf, pommes de terres rôties façon Monique, plateau de fromages et tarte au citron meringuée façon Timothée. Une merveille !!!! Le Capitaine reçoit ses cadeaux : plein de livres et un beau short de surf pour Tahiti !!! un dernier 5000 avant de se coucher, que du bonheur.

Voilà, aujourd’hui on devrait changer de Caleta, les nouvelles sont peu encourageantes pour la grande traversée, toute la zone polynésienne est fermée, on décide donc de rester planqués.

Samedi 28 Mars

Caleta Valverde : Il a plu cette nuit, mais cela cesse au matin, malgré un peu de vent. Nous partons avec l’annexe avec Jeanne et Yves pour une pêche, l’eau est trouble, impossible de voir des crabes. Nous ramassons des petits bigorneaux puis je détache de belles moules. Nous rentrons et je cuits les crabes de la veille.  Le vent se calme, l’apéro se prépare mais Tim et moi décidons, avec la marée descendante de refaire un tour au « vivier ». Jeanne râle car c’est l’heure du déjeuner mais en 20mn nous avons pêché 8 crabes, dont 4 beaux et nous rattrapons la troupe pour un déjeuner salade de pommes de terre avec le reste de calamar géant (le der des ders). 

Nous décollons après le café avec 12 nœuds de vent de nord frais dans le nez. Je fais une récolte de plancton, doucement le long de la ferme à saumon. Nous appelons à la VHF pour savoir si mes moules sont comestibles (réflexe du Beagle où elles ne le sont pas). Après 10 mn d’essai, nous finissons par faire signe à la passerelle et une voix féminine nous confirme que les  moules sont comestibles.

Vitesse 6 Nœuds, Jeanne prend le frais pendant que je prépare les crabes et une mousse de crabe au mixeur. Comme l’eau est chauffée par le moteur, tout le monde en profite pour prendre une douche. A un moment, un petit bateau nous rattrape et nous fait de grands signes que nous ne comprenons pas, il y a 4 personnes à  bord, gantés et masqués ! En fait ils ont récupéré notre annexe qui  s’est décrochée, nous les remercions avec une très bonne bouteille de rouge. 

A 17H00 nous entrons dans la caleta AMITA, toute ronde et dont l’entrée est protégée par deux ilots. IL y a plein de minuscules écrevisses autour du  bateau quand nous mouillons, le thé est prêt. Tim va faire un tour de Kayak. Ce soir menu de la mer : bigorneaux (goût de terre , nous les jetons, nous aurions dû nous méfier, ils ressemblaient au faux bigorneaux de par chez nous) ; crabes avec leur mousse : succulent ; moules marinières : bonnes mais saveur moins prononcée que les bretonnes.  Nous regardons un film belge complètement déjanté : DIKKENEK (connard en belge). Puis nous sortons comme chaque soir regarder la voie lactée, Orion et la croix du sud. 

Dimanche 29 Mars : ASADO

Réveillé vers 3H30, j’entends une sorte de crépitement autour du bateau, je pensais que c’était du plancton mais c’était des milliers  d’écrevisses qui, ayant eu peur de ma lampe rouge, ont aussitôt plongé. 

Nous finissons de décortiquer les crabes après le petit déjeuner. Jeanne pétris, je prépare le chimichurri, pare la viande et la fait mariner ; le reste de l’équipage fait le feu sur la toute petite plage en face de La Cardinale et ramasse les déchets sur l’estran. Nous préparons tout avec Jeanne pour le pique-nique et Bernard viens nous récupérer avec l’annexe. 

Asado succulent avec des patatasnativas, c’est-à-dire de vieilles variétés de pommes de terre de Chiloé aux formes toutes biscornues, cuites sous la cendre. Il y en a des roses, des blanches, des violettes et même certaines dont la chair a plusieurs couleurs. La peau est épaisse, croustillante et l’intérieur fond dans la bouche. Nous réalimentons le feu pour brûler nos ordures et les déchets ramassés, même dans ce bout du monde il y a des déchets plastiques incroyables : bouteilles, tuyaux, bouts d’aussières, chaussures, pelle de ménage et même une minerve de premier secours que nous ramènerons et nettoierons. Nous rentrons à bord, heureux pour un atelier lecture : repos dominical. 

Les quelques nuages ont des formes incroyables : lentilles, choux fleurs, anneau lenticulaire autour d’un chou-fleur. 

17H00 : thé avec empanadas aux pommes bien chaudes. J’ai terminé un grand côté de la couture du fond du sac de bricolage, il me reste des heures devant moi pour lui rendre sa forme et sa solidité. Tim, Yves et moi  faisons une sortie avec l’annexe pour filmer à la Gopro les dauphins de la crique, ils foncent devant l’étrave dès que l’on accélère  et j’arrive presque à les toucher, c’est magique, Tim essaie de filmer sous l’eau.

Ce soir risotto de la mer aux crabes, moules et champignons, un délice, puis soirée film du dimanche soir « Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-sec », pas mal, un film du dimanche soir, quoi!!

Petite sortie dans le froid pour vérifier que les étoiles semblent encore plus nombreuses qu’hier.

Lundi 30 Mars

L’indicateur de charge des batteries est en alarme, et je note les mesures car cela semble anormal.

Il fait toujours extraordinairement beau, pas un nuage, pas de vent et les oiseaux qui pêchent autour de nous. Nous sortons draps couettes et couchettes humides pour tout aérer et on démarre une  grosse journée bricolage : peinture, démontage de panneau pour étanchéité, etc. Quant à moi je cuis nos derniers crabes qui étaient dans un grand seau dont je changeais l’eau toutes les 6 heures. Nous déjeunons au soleil, avocats à la mousse de crabes et crabes (non on ne s’en lasse pas), avec un bon blanc. Après le café  nous continuons et je me remets sur mon ouvrage de couture avec une pause chez Valérie Perrin de temps en temps. Puis c’est l’heure du thé et ensuite nous  rentrons toute la literie, la température descend doucement quand le soleil donne encore, brutalement ensuite (vers 19H15), un lobomarino batifole pas très loin et l’on aperçoit sa tête se tenir droite pour nous regarder, il y a de nouveaux des nuages d’écrevisses autour du bateau et les dauphins s’en donnent à cœur joie tout près du rivage à coup de cabrioles.

La nature sauvage est notre cinémascope permanent. Ce soir pâtes aux légumes et anchois précédés d’un bon Pisco, puis suivi d’un 5000 acharné, arrosé d’un excellent whisky Bellevoye (français, distillé à Bordeaux).

Ciel de rêve : voie plus que Lactée, Orion resplendissant avec Riga et Bételgeuse comme stars (c’est le mot exact pour  le dire), et toutes les autres constellations : le serpent , la lyre, la balance, les pléiades que je ne vois pas dans ce ciel du sud  (ni Cassiopée) et toutes les autres

Mardi 31 Mars

8h, il fait frais dehors sous le dog-house : 5°C mais je profite avec gourmandise de ce matin du bout du monde dans la quiétude. Un oiseau pousse un cri bizarre au loin en s’élevant au-dessus des plus hauts arbres de la forêt primaire, j’aimerais connaître leur nom. Le ciel est partagé en deux, très exactement, petits cumulus serrés  à l’ouest dans un dégradé de gris et de rose et bleu léger à l’est avec juste un ou deux moutons blancs, les montagnes dans le sud laissent deviner leur relief déjà frappé par le soleil. Je n’arrive pas à déterminer si les nuages bougent, en espérant que cela soit vers l’Ouest. Hier soir nous avons décidé de retourner à la caleta Valverde, moins jolie que celle-ci mais plus généreuse pour nos assiettes avec les crabes, les moules et les gros bigorneaux. Et puis nous devons faire de l’eau alors autant bouger le bateau pour faire marcher le dessalinisateur. 

Nous sortons tranquillement du mouillage. Bernard a de nouveau contrôlé l’inverseur que nous  avions réparé en Février et tout est propre et net. Pas une ride sur l’eau, un albatros pas très gros nous regarde passer de son gros œil et une troupe de dauphins secoue l’eau à un demi-mille sur l’arrière.  Après déjeuner, Jeanne ausculte le frigo : il va falloir manger certaines viandes qui commencent à faisander, nous les sortons à l’air, cela sent moins fort. 

Nous sommes de retour à la Caleta Valverde à 14H15, le capitaine s’est fait plaisir (moi aussi j’avoue) avec son nouveau jouet, un sondeur qui donne le profil du fond en couleur devant le bateau. Nous allons pouvoir explorer des caletas non répertoriées. Le temps un peu couvert pousse à la quiétude et à ralentir le rythme. Nous faisons ensuite une belle balade avec Jeanne sur la côte,  il y a quelques manchots Magellan et un lobomarino qui rôde. Ce soir Bœuf carotte avec la viande bien maturée. Vers 19H00 le téléphone satellite sonne plusieurs fois et nous craignons une mauvaise nouvelle car nous n’avons jamais d’appel et on ne sait pas bien les prendre. Nous finissons par décrocher : c’est l’armada qui souhaite avoir de nos nouvelles et nous leur demandons d’envoyer un mail pour le répondre. 

Partie de petits cochons ce soir aussi acharnée que le 5000.

Mercredi 1er avril

Bernard a envoyé un mail à l’armada qui nous demande notre position quotidienne à 8H00 et 20H00, on ne va sûrement pas leur répondre. Nous quittons la Caleta vers 11H30 pour descendre dans le dédale de canaux vers le SUD. IL fait 50 nuances de gris, frais avec un petit vent du Nord mais les îles vertes foncées surgissent en permanence autour de nous,  on ne se lasse pas de ce labyrinthe en pensant que le relief sous-marin est à la hauteur du terrien : tourmenté, surprenant et imprévisible. 

13h20 nous finissons le déjeuner, pour une fois nous sommes sous voiles et aussi dans l’expectative pour la suite. Tim veut absolument partir, il n’aime pas le froid et rêve des lagons, cela crée un peu de tension avec Bernard qui prône la prudence. Le meilleur plan serait de refaire du gasoil, si possible du gaz et un peu de frais et de traverser. On essaie de voir si c’est possible, le gasoil baisse car il n’y a pas de vent. Nous bougeons au moteur (4l/h) et faisons tourner le groupe au mois 1h par jour pour recharger les batteries 24 v et faire de l’eau avec le dessal. Nous avions récupéré 150 litres d’eau de pluie il y a une semaine, mais depuis il fait beau et il y a eu une tournée de douches. Pour le gaz, nous avons changé le 15 mars la bouteille que nous avions mis en route le 20 janvier avec Bernard et nous en avons une autre, je pense que l’on peut tenir 6 semaines. C’est le four qui consomme le plus pour le pain, le reste dépend du type de cuisine, mais il faut reconnaitre que l’on s’est fait plaisir et en avons donc consommé pas mal. 

Ce matin nous n’avons pas pu ramasser de crabes, l’eau était toute verte et opaque, j’ai quand même pu ramasser un gros seau de moules, on en fera la moitie avec des frites ce soir.

Le vent est coupé net par un coude à 90° pour prendre un autre canal, Tim se régénère en concoctant un superbe 4 quartes au chocolat dans la chaleur du four après une tournée de pain et nous le dégustons chaud avec le thé. Sitôt mouillés dans la caleta Arbolese spectrales, nous partons en annexe avec Jeanne remonter le petit cours d’eau du fond et terminons à la rame. 

Le calme de la forêt primaire nous envahit, c’est envoutant, je rêve des cours d’eau de la Guyane décrit par Jacky et Josy puis Hervé et Annie, nos amis tourdumondistes. Nous ne pouvons aller très loin et rentrons lentement au bateau pour apprécier cette fin de journée. Moules frites mayonnaise  ce soir, je jongle avec les gamelles, on ne peut faire ce plat qu’au mouillage surtout avec deux bains de friture. Tout le monde se régale en nous enchainons une soirée cinéma avec CASINO ROYALE, un classique James Bond.

Jeudi 2 Avril
Hier nous avion reçu un petit mail de ROXANA notre amie d’Ushuaia, responsable du club nautique ALFASYN où nous avons passé tant de bons moments face au mont Olivia surplombant la ville colorée. Elle disait en réponse à un mail de Bernard que des pêcheurs avaient été très malades en mangeant des moules dans le Golfe d’ANCUD qui est à 100 milles plus au Nord, le long de Chiloé. Personne n’est indisposé ce matin, et le reste dela pêche est mis en vivier dans un filet que je couds après le petit déjeuner, comme sur Edelweiss. Matinée bricolage et pêche. Tim traine une mitraillette à maquereaux pendant une demi-heure avec l’annexe car nous avons vu de beaux bancs de poissons la veille en arrivant. Il rentre bredouille. Le bricolage est aussi décevant : après un démontage complet de la pompe d’eau de mer, interrompu juste par le déjeuner, le test après remontage est sans appel : elle fuit plus qu’avant ! Nous décidons donc de bouger et entrons,  dans le canal Carera Oscura, très étroit et profond mais non hydrographié sur nos cartes électroniques. Nous avançons doucement pour finalement s’enfoncer dans une faille et s’amarrer avant arrière avec deux bouts en travers. Hervé et Tim aperçoivent des écrevisses de belle taille et nous partons avec Bernard en annexe avec le haveneau. 

L’environnement est encore plus dépaysant avec une forêt primaire extrêmement dense et haute  qui couvre des parois abruptes jusqu’aux sommets à plus de 600m d’altitude. Au bord de l’eau, les branches moussues plongent dans l’eau comme dans un bayou, elles sont couvertes de moules et les rochers lisses en dessous tapissés de grosses étoiles de mer, oranges, bleues, vertes c’est magnifique. L’eau est sombre mais transparente et nous remontons doucement le petit bras qui nous sépare de l’îlot auquel nous sommes amarrés. Nous parvenons à pêcher six bulots à l’épuisette avant de rentrer car la température chute rapidement.  

Tim et Jeanne sont en cuisine : spaghettis aux légumes et chorizos, précédées des bulots que seuls Bernard, Jeanne et moi goûterons : verdict excellent et nous projetons uneexpédition demain. Mais le ciel est couvert et cela présage un changement de temps. 

Vendredi 3 Avril Nous nous levons vers 5H30 avec Hervé car cela tire dur sur les aussières et il pleut déjà.           Au lever, le baromètre  a chuté lourdement et nous reprenons nos quartiers de grisaille. Le rythme s’adapte suivant l’éloge de la lenteur, livre qui tourne entre les mains depuis plusieurs jours. Je fais de l’écriture, Jeanne du tri sur son ordi, Tim regarde un film et Bernard bricole comme d’habitude. La pluie cesse l’après-midi et nous partons avec Yves et Jeanne pour une belle pêche de bulots en annexe : presque 2 Kilos à vue de nez que je fais cuire dès que l’on rentre pour déguster à l’apéro avec un aïoli. Benny a installé une pompe électrique pour l’eau de mer et la vaisselle en est facilité. Soupe Thaï aux moules ce soir, encore excellente. Puis 5000 particulièrement disputé, accompagné de chocolats fourrés à la menthe. Ciel complètement couvert, on devine la lune sous les nuages, température clémente.

Samedi 4 Avril Matin de début du monde.

Ciel transparent, eau sans une ride. Je sors une cuillère, l’accroche au lancer et pêche avec application en éventail autour de la poupe. 

Départ 10H30 pour suivre le canal CARRERA OSCURA, de plus en plus étroit  avec un courant de 4 Nœuds qui nous pousse dans le virage. Vent d’Ouest frais, le pacifique n’est pas loin et le canal King est bordé de fermes à saumon,  Le Chili n’est pas le premier producteur mondial pour rien. Nous déjeunons en route  puis nous mouillons dans la caleta ROBALO près de l’ile Benjamin,   devant l’entrée d’un rio qui mène à un grand lac tout en longueur. La famille de Ravignan part en annexe, je démarre la potée du soir, Hervé est à la boulange mais l’ancre dérape  car le courant de la rivière nous pousse cul au vent. Nous changeons de coin avec les dauphins qui nous guident jusque l’autre côté de la baie. Trop sympas nos copains !!Fin d’après-midi tranquille après le retour des explorateurs qui ont remonté le rio jusqu’au lac. Tim a fait des croquants aux amandes, vraiment croquants.

Il commence à pleuvoir sévère et un peu de clapot nous berce doucement. J’ai préparé une     potée avec le dernier morceau de bœuf, bien avancé mais que j’ai laissé trempé longtemps dans l’eau vinaigrée. Après un 5000 tous ensemble, la discussion est sévère sans la présence de Bernard et Jeanne et Hervé ne comprend pas pourquoi on ne prend pas de décision plus vite. Onreprendra cela demain  à tête reposée.

Dimanche 5 avril Pluie, averses plus rincées égal grasse mat !!

9H30 je prépare la pâte a pan cakes que Tim avait promis la veille car il a du mal à émerger (armagnac + bière, mélange détonnant). Cela fait suffisamment de bruit ; puis de fumée pour que les formes allongés bougent dans les bannettes. Les pan cakes sont excellents, même sans levure et je note la recette en vue du livre en cours. Temps d’avril de chez nous : grains, giboulée et même de la grêle. Nous rechangeons la pompe électrique d’eau de mer par une manuelle en bon état, recherchée au fond d’un coffre : résultat impeccable : super débit, manette souple, on a même ajouté un filtre pour les algues et autre krill, boucheurs spécialisés. Le bonheur d’un cuisinier ou d’un plongeur tient à peu de choses dans notre petit espace. 

C’est Dimanche, et donc apéro avec une mousse moules à la salicorne que je viens juste de mixer. 

Comme à La Turballe on mange nos produits récoltés.Après un bon café vers 15H00, horaire dominical de rigueur, nous partons en annexe  avec Tim visiter le ponton de travail à côté d’en enclos qui n’est pas en fonctionnement, à environ 1 Mille au nord. Nous pouvons rentrer dans une petite baraque en tôle, remplie de grand containers en plastique de 1m50 de côté, l’un contient à moitié de l’acide formique : la lecture de l’étiquette en français avec des symboles peu avenants nous laisse perplexes quant à son usage. IL y a une cuve mélangeuse et une drôle de bouillie dans un autre bac. Cela interroge sur ce qu’ingurgitent les saumons même si cet élevage a l’air en stand by. Nous n’en mangions pas ici dans les restaurants avant de naviguer en préférant le merluza (merlu), frito ou le congrio (congre)  en Cevice ou en chupe (soupe épaisse), délicieux. 

Nous tentons ensuite une énième entrée dans la forêt pour monter sur une partie qui parait dégagée. Nouvel échec, la forêt primaire dense à cet endroit est composée d’au moins trois couches : des troncs moussus tombés à terre qui créent des obstacles jusqu’à la ceinture sinonplus, puis un deuxième niveau de pousse et enfin des arbustes ou des branches extrêmement serrées. Nous décidons d’aller visiter le lac. Le rio débouche sur la baie avec un fort courant et des parties rapides sur lesquelles nous devons tirer ou même porter l’annexe sur le bord et àcertains moments moteur à fond, nous étalons tout juste le courant. Nous arrivons enfin au lac, qui doit bien faire 5km de long. Nous repartons à la rame dans les rapides en suivant le flux pour éviter les rochers. Du rafting léger en annexe !!Ce soir c’est notre troisième dimanche et à notre insu, la routine s’est installée (comme en France) : soupe et film, cela nous amuse. En équipage gourmand,  nous avons cependant demandé un gâteau au chocolat à Tim, notre maître pâtissier. Il fait plus frais maintenant et les couettes sont les bienvenues

Lundi 6 avril : remontée Toujours plus frais : 4 degrés ce matin, tout le monde sort les chaussettes plus épaisses. Nous préparons  collectivement un mail pour le consulat de France à Santiago, demandant des conseils pour quitter le chili et atterrir aux Gambier. Pas de nouvelles des différents mails à l’armada et nous décidons de remonter vers le nord. Le temps est gris sans pluie ni vent et j’en profite pour cuisiner : féroce d’avocat et riz béton de fond de sacoche avec toutes les ½ boites : Jurel (maquereau), Pimientos (poivron), chorizo et jus de moules (il m’en restera encore). 

Le Garmin semble remarcher mais nous ne recevons pas la météo, nous attendrons confirmation de ceux qui reçoivent la position.  En milieu d’après-midi nous croisons nos premières baleines, une bonne dizaine de baleines de mink, d’une taille entre 8 et 10m. Elles semblent manger dans un banc de krill car on aperçoit une ou deux fois leur fanons, en s’approchant doucement au moteur, nous les suivons jusque très près du bord qui est accore, spectacle toujours magique que ces géants placides et puissants dans leur élément.Moteur = eau chaude = douches pour l’équipage. Nous sommes juste derrière les iles qui bordent le pacifique dans l’archipel des Chonos  mais la houle ne rentre pas, juste un peu de courant traversier dans les pasos  (canaux qui donnent sur la mer). Il y a quelques  albatros, signe de grand large. Mouillage dans la Caleta May, au fond d’une très belle baie en laissant la sempiternelle saumonerie à tribord. Il y a une cabane de pêcheur au fond, cela sentirait presque la civilisation. Jeanne demande un apéro surprise et je m’exécute : lamelles de courgette couvertes d’un mélange huile d’olive citron cumin, une lamelle de jambon Serrano et un brin de salicorne : beau et bon.  Ce soir j’ai la main au 5000 et gagne sans coup férir les trois parties.

Mardi 7 avril : Asado et plage Grand beau, le ciel est  comme en méditerranée toute la journée et cela sent l’ASADO avec notre dernier morceau de viande qu’il est temps de manger. Les trappeurs démarrent le feu  pendant la préparation du chimichurri pour mariner le lomo (filet de bœuf). Nous utilisons la grille de la cabane des pêcheurs mais faisons notre feu sur la plage. La viande est succulente, la meilleure que nous ayons eue depuis le départ.  Nous nous régalons et partons à pied examiner « la cachette «  de bidons d’huile que Jeanne a trouvé la veille : 7 à 8 bidons de 15 Litres. Bernard rêve de déjà de 15W40 mais c’est de l’huile de vidange, déposée en pleine nature par des indélicats, la planète en est pleine même dans les coins les plus reculés. Nous nous rattrapons avec une belle cueillette de salicornes, puis ramenons le pique- nique au bateau. Jeanne et Bernard explorent une jolie plage, Hervé est à ses fourneaux de boulanger et je range tout ce que l’on a mis à sécher ce matin de la cabine avant. Yves a pêché deux écrevisses mais les remettra à l’eau avant que j’en fasse quelque chose. 

Le ciel se met en quatre pour nous, lumière du coucher de soleil d’un côté avec le dégradé d’orange à violet et à 20H00, lever de pleine lune à 180  de l’autre côté : tout le monde est dehors à ne plus savoir où poser les yeux. Finalement, un Pisco s’ impose  pour arroser le spectacle avant le dîner de Tim, c‘est notre dernière bouteille et nous décidons de tenter un contactdemain dans le petit port de Melinka distant de 30 milles dans le but d’éclaircir notre situation et de refaire des vivres et du gasoil.

Mercredi 8 avril : essai de contact avec la civilisationGrand beau de nouveau même si le baromètre est bien descendu, je me glisse dehors sans bruit  pour profiter du lever du soleil, une loutre traverse la petite baie en passant 20 mètres devant l’étrave, curieuse et sûrement pas apeurée. Après le petit déjeuner, nous vidons tous les bidons de gas-oil dans le réservoir principal, environ 200 litres et quittons le mouillage direction Melinka. Nouvelle tournée de lessive et douche pour le capitaine et sa dame. Cela sent bon lepropre, moins côté cuisine. J’ai mis quelques petits dés de la viande fumée qui sèche depuis 10 jours dans la cale moteur pour cuire les lentilles et tout le plat sent vraiment le boucané. 

Certainement une odeur familière aux équipages de corsaire du 18ème, mais nous n’avons peur de pas grand-chose et engloutissons goulûment la pâtée (c’est le bon mot vue la cuisson avancée des lentilles) au soleil dans le cockpit. 15H30, nous approchons du petit port. Bernard contacte l’Armada : nous pourrons débarquer après avoir passé une visite médicale, tout le monde est ravi mais la joie est de courte durée car 20mn après, nouvel appel à la VHF pour nous direqu’on ne peut descendre à terre. Je me lance dans  la cuisine pour oublier la déception. Vers 18H00, un contact téléphonique et non VHF avec l’armada permet à Bernard de trouver quelqu’un qui peut nous fournir du gas-oil et des vivres et que l’on peut payer par virement. Il n’y aura pas de contact physique et les vivres seront posés au bout du petit quai  devant lequel nous sommes payés. Rendez-vous est pris pour demain matin, c’est une bonne nouvelle et on sort le dernier fond de bouteille de gin pour arroser cela. J’apprends par un mail de Patricia que plus de 50 personnes suivent notre périple à travers mes chroniques…J’ai la pression maintenant,  alors pour terminer celle-ci je vais tenter d’expliquer pourquoi notre balade prend la forme actuelle. Tout d’abord avec Yves j’ai l’impression que nous vivons un parallèle de « l’Hiver aux trousses, de Cédric Gras », nous c’est COVID aux trousses .En effet nous avons ou prendre parmi les derniers vols pour arriver, puis nous avons quitté Castro avec les  vivres avant d’être croisés. A la petite marina de Quinchen où nous avons pris nos dernièresdouches à terre, on nous a dit que Chiloé fermait et nous sommes partis rapidos le matin. Guy Cordier et sa compagne Mira, que nous avions rencontrés à Puerto Montt y sont coincés sans pouvoir quitter leur bateau depuis 15 Jours et à Quellon nous avions pu embarquer Tim grâce à la complicité des pêcheurs. Nos amis suédois Ulf et Pia sont bloqués depuis un mois dans leur bateau à la Marina de Reloncalvi où nous avons effectué le chantier de réparation ; en Polynésie,  les copains de Bernard sont consignés sur le bateau, une personne peut descendre au mouillage tous les 3 jours pour faire des courses, au Gambier les bateaux sont les bienvenus et l’île de Pâques est complètement bouclée. Finalement nous  sommes encore libres de circuler dans les canaux et de descendre dans les coins perdus mais évidemment pas dans les ports. 

A Castro nous avions fait un Zarpe (papier de départ d’un port vers un autre) en disant que nous faisions un trajet Castro-Quinchen-Castro. Mais ce papier n’est pas une clearence de sortie de territoire qui comprend normalement : un Zarpe, un passage à l’immigration (PDI au chili) pour la sortie du territoire et la douane pour le bateau. Le risque en traversant vers un autre pays (la Polynésie ou autre) est de ne pas être en règle et de voir le bateau saisi (cas fréquent et quidde l’équipage). Nous ne souhaitons bien sûr pas prendre ce risque et attendons déjà de voir si nous pourrons faire un mois de vivre frais et le plein de gas-oil pour poursuivre l’aventure.

Jeudi 9 Avril : on ne bouge pas !!!Hier en fin de journée nous avions pu capter un peu de wifi et Timothée, Jeanne et Yves s’en sont donnés à cœur joie pour récupérer news et photos. 

Après dîner, Jeanne et moi avons fait la liste de produits frais à transmettre à notre contact, que Bernard a traduite en espagnol. 

A 9H30, Fidel Borsilla explique au téléphone que nous devons avoir l’accord de la capitaineriepour venir à quai. Appel à la capitainerie qui demande un temps de réflexion et rappellera dans deux heures.La matinée passe sous un crachin breton et de la couture pour Jeanne et moi. Dans ce genre de situation, tout navigateur apprend la patience des méandres administratifs qui en ce moment sont « coronavirusssés » donc 1000 fois plus compliqués sinon impossibles. Je reprends mon travail de couture car le cours de Yoga est annulé Bernard rappelle la capitainerie à 14H30 qui sont ok pour la manœuvre) si notre contact est d’accord….En fin d’après-midi, Tim et Jeanne prennent l’annexe pour s’approcher afin d’essayer de capter un meilleur signal WIFI. Ils mettent des masques (on en avait quelques-uns et j’en avais pris avant de partir), mais dès qu’ilssont proches du ponton de l’armada, deux sbires sortent du bâtiment masqués et gantés et descendent sur le ponton. Comme le WIFI ne passe pas mieux, l’annexe revient. Nous mettons un coup de pompe pour passer l’aspirateur mais il hoquète pendant vingt minutes avant de s’arrêter dans un dernier râle. Nous secouons un peu le tuyau d’arrivée de gas-oil, cela repart mais hoquète toujours. Bernard démonte le capot et nous auscultons la bête. Pas de prise air apparemment, le filtre décanteur d’eau est très sale et on le nettoie consciencieusement. Finalement on détecte une petite fuite d’eau sur l’aspiration. Trente minutes plus tardtout est remonté et notre bon Paupaul ronronne comme un vieux matou.

C’est l’heure d’envisager la suite et je mets Yves , mon commis de cuisine au travail pour préparer des empanadasquesohamon. C’est long mais le résultat vaut le détour, tout chaud sorti du four. C’est là encore notre dernier paquet de pâte à empanadas. Haricots mijotés que j’ai préparés hier avec un peu de viande boucanée. Cela réchauffe avec un bon Clos de Pirque (vin en brique dont le stock diminue lui aussi fortement). Cinéma ce soir : The BigEasy (le flic demon cœur) film qui se passe à la nouvelle Orléans avec de l’excellente musique Cajun : je suis aux anges et ai une pensée pour les potes de Boutôvent avant de me glisser dans ma bannette avec délice.

Vendredi 10 avril : WE de pâquesTemps plombé avec camaïeu de gris. Hier soir j’ai émis l’idée de pousser jusqu’à à l’archipel Juan Fernandez avec deux arguments : c’est encore au chili donc pas besoin a priori de Clearence et cela nous fait une belle balade 600 milles en haute mer. Tout le monde a écouté sans trop rien dire, mais l’idée a germé cette nuit.Bernard n’arrive toujours pas à avoir notre contact par contre il joint l’ambassade française à Santiago et laisse un message pour le consulat qui rappelle une heure après. Madame la consule est charmante et approuve notre gestion de la situation. Nous lui précisons que nous avons envoyé un mail depuis une semaine sans réponse. Effectivement il était resté dans les SPAM et elle nous informe que les derniers avions prévus le 12 et le 14 vers la Francs sont pleins, Timothée se fait une raison, il prend le rythme du bord et discute bien avec Hervé et moi. Je finis enfin ma couture : cela fait deux semaines que j’ai démarré cet ouvrage de récupération du gros sac de bricolage qui a explosé au fil des années : changement du fond avec deux toiles contre  collées, couture sur toute la périphérie et enfin pose d’une sangle pour renforcer l’angle tout le tour. Je n’ai pas compté les heures de main d’œuvre mais le prix du sac est dans la gamme Longchamp ou Vuitton à présent !!Avant-hier, j’avais aussi préparé du bœuf Teriyakiavec le tout dernier morceau de Lomo bien avancé, découpé en Lanière. Tim prend le relais et fait de la polenta que l’on grille en rectangles en accompagnement : La Cardinale = restaurant 2 étoiles chiliennes.Toujours pas de contact avec le contact Fidel Barilla (il a peut être pris peur)  et  nous obtenons le numéro des petites supérettes après avoir appelé Quentin en France . Mais à 16H00 le correspondant de l’Armada qui nous a à la bonne nous donne le numéro d’un avitailleur spécialisé qui fournit les pêcheurs que Bernard appelle et nous pouvons lui envoyer une commande par mail. Une trouée de ciel bleu offre un YOGA time bienvenu suivi d’un TEA Time. Les bouées autour de nous sont garnies de barges à couple, jusqu’ à 6 parfois. Ellesapprovisionnent les saumoneries et ressemblent en plus petit à des bateaux du débarquement avec un plate-forme à l’avant pour apponter. Elles transportent des produits en gros sacs, sans doute de la farine pour les saumons ou des gros fûts de produits chimiques couverts d’étiquettes à tête de mort ou autres sigles évocateurs. Nous ne savons pas pourquoi il y en a autant  aujourd’hui mais Bernard est allé en annexe discuter avec eux et nous apprenons qu’ils n’ont pas le droit de descendre à terre, comme nous. Le lendemain, ils seront tous partis et il ne restera que deux bateaux de travail, de forme différente, plus proche d’un chalutier avec une grue sur la plage arrière.Madame la consule nous a envoyé de nouveaux mails et suit apparemment avec attention notre évolution. Karina qui représente l’avitailleur a bien reçu la liste, le seul souci restant la recharge des bouteilles de gaz, si besoin nous en achèterons une nouvelle. En attendant la suite demain, nous goûtons à la poutargue (œufs de mulets fumés et séchés) qu’a amenée Tim avec un CastillodelDiablo blanc. Le fait d’entrevoir une solution pour l’avitaillement nous met en joie et la newsletter COVID19 de Patricia ne l’altère pas : BOUDEMA !! comme on dit en Ukrainien à Vernadsky. Le repas reste frugal : soupe de légume et pain, il n y a plus  de fromages ni de fruits en dehors de trois oranges et de quelques citrons. Le capitaine nous fera un 5000 ce soir (figure qui consiste à jeter 5 dés identiques d’un seul coup) : deux dans la croisière déjà, il nous portechance.

Samedi 14 Avril : le Coronavirus a raison de La CardinaleLe vent est retombé et le ciel est parsemé de quelques nuages. Ce temps, très peu pluvieux est exceptionnel en cette région d’ordinaire sans cesse arrosée des dieux. Juste quelques gouttes pour nous faire différer la séance de Yoga en fin de matinée …Coffee Time Now.. Bernard a un bon contact avec Karina, le souci reste que nous sommes considérés comme des pestiférés et qu’ils ne veulent rien toucher de ce que l’on aurait pu toucher : pas d’argent liquide dans une enveloppe, pas de Carte Bleue avec le code (solution proposée en toute confiance), pas de bidons vides  venant du bord. Ça se complique sérieusement. Finalement à 13H00, aucune solution n’est trouvée et l’armada nous demande de partir au plus vite. Bernard rappelle la consule qui nous dit que leurs services cherchent des solutions pour rapatrier les Français souhaitant rentrer.Nous déjeunons et au café la décision est prise de remonter vers Puerto MONTT : la priorité a été donnée  à notre vielle dame CARDINALE. Sans Clearance nous ne pouvons traverser et les ressortissants non polynésiens sont très mal vus sinon rapatriés en France depuis les îles. Au club Reloncalvi nous connaissons tout le monde, savons que le bateau sera en sécurité et bien hiverné et c’est le plus important pour les saisons à venir : WE’LL BE BACK !!Nous quittons Melinka après avoir appelé Karina, le contact de l’agence d’avitaillement,  en la remerciant de ses efforts et avons juste un mot laconique pour l’armada. L’ambiance est triste à bord et nous écoutons du Jazz mélancolique,  une compilation de Susie AROLI, qui colle au moment. Nous remontons doucement vers le Nord sous génois seul et je pose le filet à plancton, mais là aussi ce sera un jour sans, moi qui réservais les flacons pour la Polynésie afin de ramener des échantillons des mers chaudes pour Patrice...Petit mouillage tranquille à l’entrée du Canal Puquitin en prenant un bout à terre. Il y a une minuscule chapelle en bois surmontée du sempiternel drapeau Chilien, nous y accédons avec Hervé : l’intérieur est disparate, des bougies consumées et un stock à allumer, des cahiers où sont consignés chaque passage depuis plus de 25 ans, des ex-voto, des images pieuses colorées. Le dernier passage date du 19 Mars. Nous sommes à l’ombre des arbres et le froid arrive beaucoup plus vite qu’il y a un mois. Je refais une grosse épissure sur la grande aussière qui s’effilochait au milieu et suis bien content de retrouver le carré réchauffé par le four et l’odeur du pain qui cuit. Ce qui nous attend ce soir est connu : apéro pour se remonter le moral, une bonne bouteille avec le repas pour le remonter encore et une soirée cocooning dans l’ambiance boisée de notre beau navire. Ce qui nous attend ensuite est inconnu et je préfère me dire que nous avons eu de la chance de pouvoir naviguer plus de trois semaines dans ce paysage sauvage en pleine liberté (ou presque),  de pêcher, de chanter, de griller de la viande sur un feu de bois,  de profiter de la pluie comme du soleil pour oublier le monde très mal en point. La Cardinale nous a offert tout cela et nous lui devons de la préserver pour  la suite des aventures. 

Mercredi 15 Avril : Baston Le mauvais temps nous a surpris. Pas au sens marin du terme. Nous sommes bien abrités, solidement amarrés sur une grosse bouée. Mais n’ayant pas pris de météo, nous ne nous y attendions plus après trois semaines de calmeet de  vents faibles arrosés épisodiquement. En milieu de nuit le vent est monté. Nous sommes passés de l’averse raisonnable à la rincée quasicontinue. Les rachas (rafales en Patagonie) traversent le gréement comme des accords de flamenco, puissants mais avec des sonorités différentes. Une drisse qui claque puis une autre, un mât ou l’autre puis les deux qui vibrent, parfois à l’unisson. Et un coup de gîte plus ou moins marqué pour ponctuer le tout, la coda de la phrase. Dans ces moments, le bon spectateur écoute, bien calé, suit  la musique et n’a plus envie de bouger, juste profiter de l’instant. La bannette est un merveilleux fauteuil d’orchestre, chauffée par le corps alangui toute la nuit. Qui souhaiterait en sortir en ces moments de grâce harmonique. Il nous  faut bien nous lever, au moins pour prendre une météo. Peu engageant jusque samedi, elle incite à ne pas bouger et sortir les cartes et la guitare. Mais Tim fait grise mine et j’insiste pour que nous tentions d’avancer car il y a juste 20 Nœuds établis, jusque 30 dans les rachas. Finalement tout le monde enfile bottes et cirés et nous larguons la bouée. 11H30, le vent est bien monté avec plusde 25 Nœuds de face, des pointes à 35 mais le moteur et l’hélice révisés à Puerto Montt font merveille et nous « taillons dans la plume »  dans un gros clapot haché. Je peux retourner à mes fourneaux, Hervé à la boulange.13H00, ça buffle !! 30 à 35 Nœuds en réel, pluie diluvienne, je sers un plat de  pâtes aux choux réconfortant pour l’équipage. Cela s’améliore vers 15H00 un peu de soleil et 22 Nœuds, on devrait arriver sans problème  avant la nuit sauf si cela se dégrade fortement. L’intérieur est en mode buanderie car Yves et Tim avaient fait une grosse lessive hier juste avant qu’il ne pleuve. Je trie les derniers légumes, un chou qui a bien pourri, étonnant ;  deux avocats fatigués et 3 Kg d’ail de Chiloé qu’il faut juste essuyer, les patates et les oignons ne bougent pas. 

A 16H30 nous cerclons devant la marina de Reloncalvi, on ne nous laisse pas aborder le ponton et la bouée que l’on nous propose, à 15 m du ponton ne nous paraît pas la meilleure solution. Nous repartons dans le chenal pour mouiller devant chez Carmen par 10 m de fond. L’ambiance est morose, nous envoyons un mail au secrétariat du club pour la suite. Heureusement il reste du Pisco !! Le vent se calme en soirée et nous regardons « Fauteuil d’orchestre », excellentfilm de Danièle Thompson.  Bernard a envoyé un mail au club pour demander si on peut venir au ponton. Jeudi 16 Avril : au Ponton, La LIBERTAD !!Le vent s’est renforcé vers 5H00, réveillant plus ou moins tout le monde avant de repiquer sur une petite dose de sommeil. A 9H30, un petit bateau nous aborde avec 3 Personnes à bord dont Sergio notre soudeur qui a réparé la quille, nous sommes contents de le voir. Ils  nous remettent des papiers à remplir et repartent. Vingt minutes plus tard ils reviennent avec un homme et une femme de la SALUD, le service de contrôle sanitaire qui montent à bord, masqués et gantés  et acceptent de suite un petit café. Nous remplissons les papiers demandés et Bernard raconte notre périple depuis un mois. Ils ont même droit au tampon de la cardinale sur leurs documents : grandiose car celui-ci n’a évidemment rien d’officiel. Pour la première fois on nous demande un certificat de dératisation du navire. Après avoir pris la température de chacun d’entre nous qui oscille entre 36°(Hervé) et 37°  (Tim), ils repartent avec les papiers  en nous Précisant que nous pouvons aller nous amarrer au ponton du Reloncalvi et que nous pouvons descendre en mettant masque et gant. Nous attendons la fin d’un gros grain pour venir se placer en bout de ponton et trinquer aux événements qui prennent une tournure plus favorable. En début d’après-midi, Bernard et Jeanne récupèrent les papiers dûment tamponnés auprès du secrétariat du club : une forme de Libertad !! Tim et Jeanne  partent en ville en bus avec les masques sur le nez. Nous allons faire les courses d’urgence : fruits, fromages, Pisco à la petite épicerie que nous connaissons bien avec Bernard. Même masqués, la patronne nous reconnaît et est heureuse de nous voir ; nous plaisantons avec elle. Une personne sur dix  environ porte un masque dans la rue et dans la petite boutique personne.  Les voitures et les bus circulent en permanence et la majorité des gens semblent travailler, il y a eu trois cas recensés à Puerto Montt.Rien à voir avec les nouvelles de la France confinée. En rentrant nous récupérons au club le démarreur qui a été prêté à Thierry du voilier «L’esprit d’équipe » le printemps dernier à Puerto Natales. Nous croisons Ulf et Pia nos copains suédois, sur leur bateau à sec,  et les invitons àdîner demain soir à bord. C’est bon de revoir les copains dans ce lieu où l’on a passé des heures et des heures à refaire santé et beauté à La Cardinale. C’est l’automne par contre et à 18H00 par ce temps gris et fortement pluvieux il fait déjà sombre. Tim et Jeanne rentrent de la ville, c’est plus confiné qu’ici, plus de la moitié des gens portent leur masque, la plupart des boutiques sont fermées mais  les étals de légumes devant la gare routière sont toujours là. Tim et Yves profitent au maximum du Wifi au club house désert, nous sommes trop loin pour le recevoir en bout de ponton. Cuisses de poulets au four ce soir, fromages et fruits … cela faisait longtemps.  Les Rachas poussent doucement le bateau du quai, cela nous berce pour la nuit.

Vendredi 17 Avril : Ambiance Marina d’automneLe vent et la pluie sont toujours présents. On se croirait au Crouesty mi-novembre avec quasiment tous les bars et restaurants fermes. Yves est parti à la douche avant le petit déjeuner, il devait être en manque. Jeanne et Bernard s’en vont à la poste centrale en ville pour récupérer un colis arrivé mi-mars. Ils feront deux heures et demi de queue avant de récupérer l’objet, un déshumidificateur pour l’hivernage( qui dit que la poste marche mal chez nous). Nous en profitons pour dépiler un peu la vie numérique et appeler la famille via WhatsApp, hangouts ou autre. 

Les nouvelles de Guy et Mira sont moyennes, ils pensaient à Quellon faire mieux que nous à Melinka mais manifestement c’est aussi bloqué et après un premier contact avec l’armada, c’est le blackout. Dans l’après-midi, Bernard appelle la consule, qui confirme avoir pré-réservé 6 places pour nous dans  l’avion à partir de  Santiago (sans préciser de date). A Tahiti, les nouvelles par mail sont peu engageantes : confinement à la marina, interdiction de naviguer entre les îles …pourtant il doit faire plus beau qu’ici où le gris est uniforme et s’assombrit avec la tombée du jour. Ce soir nous attendons Ulf et Pia pour dîner, le Pisco est de rigueur.

Demain nous irons à l’armada voir ce que l’on peut faire … le Suspense est à son comble !!!

Samedi 18 Avril : Jour de CLEARANCE !!

La soirée d’hier a réchauffé les cœurs et fatigué quelques têtes : Yves et Jeanne ont quelques lutins qui gambadent sous leur crâne ce matin. Temps breton : peu de vent mais un crachin intermittent. Bernard part à l’armada les passeports dans son sac, sauf celui de Timothée qui regarde comment rejoindre Santiago. Nous croisons Ulf et Pia, enchantés du moment passé la veille. Ils sont vraiment cool tous les deux. Lui, ingénieur informaticien qui a travaillé un peu partout : au Spitzberg, dans le grand nord sur les plates formes pétrolières et même 3 ans à KOUROU en Guyane pour le CNES. Il en a conservé un fort bon niveau de français et 60 Euros de retraite. Hier avec un humour ravageur, il nous a décrit ses démêlés avec les services publics français qui avaient fait une erreur de saisie sur son prénom en l’orthographiant UFL au lieu de ULF. Sa description de la suite des événements est hilarante et nous imaginons bien les échanges téléphoniques sans fin avec des fonctionnaires peu enclins à faire avancer le schmilblick. Il est toutefois enchanté de toucher ce bout de retraite pour dit-il une durée de 42 Ans. Pia a entre autres fait de la montagne à très haut niveau : escalade, alpinisme, ski de randonnées qu’elle a pratiqué souvent en France. Elle comprend bien mais le parle peu et est plus à l’aise en anglais et j’essaie de lui traduire à la volée les histoires savoureuses de Bernard, entrecoupées par des échanges rapides en suédois entre eux, ce qui ajoute au folklore linguistique ambiant. Ils sont étonnés que l’on puisse tenter d’obtenir une clearance alors qu’eux sont bloqués depuis un mois à terre dans leur bateau.

Mais la bonne étoile veille sur la Cardinale et à midi Bernard arrive avec son masque le pouce levé. Nous nous attablons et il nous raconte qu’à l’armada, il est tombé sur un jeune militaire, transfuge de Puerto Williams qui l’a tout de suite reconnu et qui se rappelait parfaitement de la Cardinale. Ajoutant à cela les papiers bien tamponnés par la SALUD, le sauve- conduit du consul et les papiers sont remplis avec diligence pour une autorisation de départ jeudi, ce qui nous laisse le temps de gérer l’approvisionnement en vivres, gaz et gas-oil et d’affiner les fichiers météos. Après déjeuner, la pluie ayant cessé, nous vidons un peu la cabine avant pour assécher cet endroit toujours humide du bateau. Tim et Jeanne partent pour une grande balade à Puerto Montt, Yves et Hervé font une grosse sieste et Bernard me rejoint dans le club house, c’est quartier libre !!

La pluie repart de plus belle à l’heure du thé et on planque tout ce qui est dehors. Jeanne a acheté hier une très belle viande hachée et Tim nous fait des tartares CESAR, c’est-à-dire un aller-retour à la poêle après avoir été assaisonné… à la hauteur de ceux du Coq en Pâte à Nantes, dont le patron Dominique est un bon copain qui suit la Cardinale. Jeanne nous sortira un 5000 Net ce soir pour abréger la partie, ce qui arrange tout le monde. La tension accumulée depuis quelques jours nous a certainement fatigués….

 

Dimanche 19 Avril : Atelier Couture

Le soleil de la matinée nous permet de ressortir les couchettes et de faire sécher Le génois qui a besoin d’un gros rafraichissement. Yves et moi partons pour une belle balade en dénichant une route en construction qui monte juste au-dessus de la Marina, très vite le paysage est fabuleux avec une vue sur Puerto Montt et la baie de l’autre côté de l’ile de Tenglo. Nous franchissons une crête et tombons sur une forme de cité entourée de palissades en béton. De petites maisons identiques s’alignent par dizaines et dizaines. Certains sont habitées, d’autres pas encore et les différences entre elles sont minimes. Le catalogue offre trois couleurs ternes : marron (les deux tiers), vert ou bleu et deux options pour la porte : moulures carrées ou rondes. Cela rappelle les lotissements ouvriers des années d’après-guerre en Europe. Avant le déjeuner et les premières gouttes prévues à la météo, nous démontons le génois et allons le mettre à l’abri.

Après déjeuner nous démarrons un grand atelier couture. Nous avons demandé si nous pouvions occuper le club house, désert, et le permanent de faction nous répond sans problème. On a la cote ici.  Le billard nous sert d’établi et nous étalons le génois sur toute la longueur du « Quincho » pour travailler à 4 : Jeanne, Bernard, Yves qui débute en voilerie et moi. Hervé est resté à bord faire l’inventaire en vue de l’avitaillement et Tim se ballade souls la pluie. Nous décidons d’arrêter et de tout ranger vers 19H00, il reste encore un peu de reprise sur le haut de la bordure mais le reste est terminé. Ce Dimanche  est conforme à nos habitudes : bonne soupe de légumes et film du Dimanche soir : encore un scénario belge ce soir « TANGO LIBRE » proposé par le cinéclub de Jeanne dont la sélection est aussi excellente que limitée. Le vent est tombé et la nuit s’annonce fraîche.

 

LUNDI 20 Avril : En ville = MERLUZA !!

Grand beau ce matin, c’est l’occasion d’une grande lessive de draps, housses de couettes et oreillers. La machine du club est une antiquité américaine avec un gros tambour et une sorte d’hélice au milieu. Le bruit est inversement proportionnel à sa qualité de lavage, mais le gros sèche-linge lui fait son boulot et nous étendons el reste au vent et au soleil.  Je déhousse et hisse les couchettes avant que nous avions oubliées sous la pluie. Le bateau passe  en mode romanichel (ou rue de Naples au choix) que ceux qui naviguent longtemps connaissent bien !!. La météo a l’air calée au beau pour trois jours donc on en profite.

A 15H00, Arsenio notre chauffeur de taxi privé et plein  de ressources vient nous chercher avec Bernard. Nous l’avons connu il y a trois mois à notre arrivée en janvier. Sergio le soudeur nous l’avait recommandé pour le rechargement des bouteilles de gaz. Très vite, il est devenu un compagnon indispensable de notre chantier. Arsenio a été longtemps chauffeur de bus, il touche une maigre retraite et la complète en faisant des petits boulots. C’est un joyeux compagnon, il parle très rapidement avec beaucoup d’humour. Je ne comprends rien de ce qu’il dit et même Bernard a du mal à le comprendre. Il connait énormément de monde, tous les magasins,  y compris pour des achats techniques ce qui nous a permis en janvier et février de gagner du temps et de l’argent dans ce que  nous avons approvisionné. Sa femme a de nombreux  ennuis de santé et il a dû apprendre à tout faire chez lui, en particulier la cuisine et même son pain. Sa voiture est un poème, un vieil utilitaire Citroën tout cabossé. A l’arrière,  il installe un banc en bois pour que je puisse m’asseoir et il faut que je lui ouvre la porte à double battant de l’intérieur lorsque l’on veut charger. Pour sortir par la porte latérale coulissante je tire sur  un bout de fil de fer tordu  …et Arsenio  évite les nids de poule car les amortisseurs ont rendu l’âme depuis longtemps. Grandiose !!

Dans les faubourgs de Puerto Montt, nous nous arrêtons pour acheter deux courroies principales pour le moteur à l’aide du modèle que nous avions éclaté l’année dernière dans le canal Barbara en remontant vers Puerto Natales. Pendant ce temps je vais acheter de l’huile 15W40 pour la vidange. La contenance du Perkins est de 8 litres et je cherche à en acheter dix. Après une discussion avec un jeune vendeur qui ne porte pas de masque  et qui me parle rapidement en me montrant des chiffres sur sa calculette, je finis par embarquer un bidon de 19L qui est juste 10% plus cher que deux bidons de 5L, on pourra faire ainsi deux vidanges, c’est de le modèle courant pour les pêcheurs. Après avoir déchargé les bouteilles de gaz vides chez lui,  Arsenio nous emmène juste à côté dans une minuscule superette (modèle épicerie chez nous), sûrement des copains à lui. Et quand nous achetons 120 Bières, 36 bouteilles d’eau minérale sin gas (douce) et con gas (pétillante) c’est l’effervescence (c’est le cas de le dire) : toute la famille extirpe tout ce qu’ils ont en stock depuis une minuscule arrière-boutique. Cela prend du temps et la queue s’allonge devant le magasin. 

On finit par tout charger à l’arrière ainsi que quelques légumes pour rentrer à la Marina. Le Cook négocie avec le capitaine un pit-stop au marché de poissons d’Angelmo que nous avons souvent fréquenté en Janvier. J’y achète  un superbe Merluza et du saumon fumé sur un  étalage fourni à souhait. C’est à regret que je quitte la boutique, tiré par Bernard qui voit que j’achèterais bien la moitié d ce qui est présenté : poissons de toutes sortes, poulpes, coquillages, pince de crabes, piures, cholgas, pico rocos …Dans la voiture je négocie un repas futur pour fêter notre départ dans quelques jours. Le Merluza (merlu) Cebollas (oignons) au four, rehaussé au Merken (épice typiquement chilienne qui est un mélange d’ail et de piment séché le tout étant ensuite plus ou moins séché) avec  des papas (pommes de terres) est un délice arrosé d’un Misionnes del Rengo Chardonnay. Le poisson nous manquait tous,  cela nous met d’attaque pour concocter ensemble la liste de courses pour deux mois avec l’inventaire d’Hervé saisi sur mon ordi et un beau tableau Excel. 22H30 : YAPLUKA MAGNANA !

Mardi 21 Avril : Avitaillement

Hier soir, nous avons décidé de charger deux mois d’avitaillement, comme lors du voyage en Antarctique. Nous imaginons, qu’avec le confinement les petites îles du pacifique sont peu alimentées en produits. De plus certains produits sont prohibitifs sur ces archipels isolés des routes maritimes. Arsenio nous ramène les deux bouteilles de gaz pleines et nous partons avec la dernière à demi vide et  les nourrices d’essence pour le moteur d’annexe. Il nous dépose avec Jeanne vers midi au terminal de bus et part avec Bernard pour les dernières courses techniques. Nous remplissons deux demi caddies et les retrouvons à 13H30 pour charger nos six gros sacs. Le supermarché est en mode consignes coronavirus chiliennes. Nous faisons la queue pour rentrer et le vigile nous  pulvérise  un produit désinfectant sur nos mains gantées. Il y a des bandes jaunes tous les mètres pour faire la queue aux caisses et les caissières portent un masque tel que l’on en met pour passer la débroussailleuse (Bernard en avait acheté un pour barrer sous les bourrasques de neige en antarctique mais nous lui avions préféré les masques de ski). Des jeunes en blouses bleues nous aident à remplir nos sacs à la caisse. Après avoir porté les sacs à la voiture nous achetons une partie des fruits et légumes aux vendeurs postés sur les trottoirs en face du terminal de bus et les portons à la voiture d’Arsenio qui repart avec Bernard à la marina. 

14H00, nous allons déguster deux empanadas bien mérités sur le front de mer. Il fait grand beau, frais et la vue sur les montagnes enneigées au-delà de la baie de Puerto Montt est limpide et toujours aussi saisissante. Nous allons ensuite prendre un café dans le terminal de bus, auprès de la minuscule boutique où le vendeur, trop gentil,  nous fait un point d’honneur à dire quelques mots en français. Son expresso, pressé à la main avec un gros levier sur une machine ancienne est plus qu’excellent. Nous retournons ensuite au supermarché pour de nouvelles courses que nous pouvons déposer dans un taxi juste devant la porte qui nous ramène à la Marina… Les gars ont bien bossé : la vidange du moteur est faite  et l’huile restante reconditionnée Après être rentrés et avoir tout ramené en bout de ponton (c’est loin) sur des chariots vient l’exercice du rangement. Chaque fois on se dit que tout ne va pas rentrer mais après quelques années nous optimisons le chargement des cales ventrues de la Cardinale et encore une fois tout se cale. Ce soir poulet rôti complet au four, met rare à bord et un petit 5000 pour fêter les courses

Mercredi 22 Avril : Avitaillement en liquide 

Il fait toujours très beau et Jeanne en profite pour laver puis étendre toutes les housses des coussins du carré. Je fais trois heures de couture sur la bordure du génois, à l’endroit le plus dur, avec une alène achetée dans une boutique chinoise hier à moins  de 1 Euros et qui malgré son aspect cheap fait l’affaire à merveille. A midi et demi j’ai mal aux mains et aux épaules mais le génois est presque fini et nous déjeunons rapidement car le camion de fuel a un peu d’avance. Nous venons nous amarrer juste au bout de la cale de mise à l’eau, manœuvre facilitée par l’absence de vent et nous rechargeons  625 L de Gas-oil entre le plein du réservoir  et les bidons. La ligne de flottaison a à peine bougé : solide la goélette. Le temps de revenir au ponton, plus près de la passerelle et Arsenio vient nous chercher pour de nouvelles courses : le vin, l’alcool, un peu de viande, charcuteries,  le fromage les œufs (120) et encore plein de petits trucs. Bernard monte avec nous jusqu’au marché d’Angelmo où nous achetons des palourdes (balèzes !!) des huitres (petites et plates), un beau merlu et du poulpe. Bernard repartira ensuite en bus pour mettre tout cela au frais et reprendre la couture. Nous goûtons puis achetons 11kg de fromages dans une boutique artisanale et repartons au grand supermarché LIDER sur les hauteurs de la ville. Il n’a rien à envier avec nos hypermarchés, le modèle néo-libéral chilien ayant été mis en place par des experts américains ne jurant que par l’hyper consommation. Beaucoup moins sympathique qu’hier mais efficace pour déverser nos chariots dans la vieille guimbarde d’Arsenio. Nous sommes vidés, l’heure sombre arrive et nous décidons de rentrer sans faire le dernier complément de légumes et fruits. De nouveau, descente avec les petits chariots et Yves se demande où l’on va tout mettre mais le miracle opère à l’aide de la place dans la cabine avant que nous avons bien rangé au préalable. Ulf et Pia viennent dîner et je commence à préparer les Linguines à la Vongole selon la recette de Patricia. Après un Pisco Sour accompagné de saumon fumé et de toasts, les Vongole à l’ail de Chiloé  et à la coriandre fraîche sont une merveille. Ulf nous ravit avec ses récits d’aventure au Spitzberg et dans le grand nord, avec  les ours polaires. Il possède un réel talent de conteur,  un français déformé délicieux  et un humour ravageur. Pia qui s’est coiffée d’une casquette blanche siglée CAPTAIN sous ses couettes suit avec application et part dans de grands éclats de rire. Belle ambiance Cardinalesque que l’on conclut avec un bon whisky JURA offert par Yves.

Jeudi 23 Avril : Avitaillement en frais et fraîcheur

Nous nous levons lentement ce matin, la pluie et les prévisions météos difficiles  nous plombent un peu. Hier, Bernard a reçu un mail de la capitainerie comme quoi son visa de 3 mois était périmé (Nous étions arrivés le 19 Janvier). Encore un obstacle au ZARPE final, on se croirait dans un concours équestre. A 10H30 nous prenons le bus avec Yves pour les dernières courses de frais que nous n’avons pas eu le courage de boucler au soir tombant hier. Après un bon expresso dans notre boutique habituelle, l’affaire est rondement menée auprès des vendeurs sur le trottoir devant le terminal de bus et on arrive presque à plaisanter avec la jeune vendeuse qui tire cigarette sur cigarette sans masque (cela protège peut être mieux d’après ce qu’on lit sur internet). Nous portons gants masque et buée sur les lunettes. Choux, courgettes, avocats, pommes, bananes, un fruit dont j’ai oublié le nom dont le goût ressemble au melon d’eau : les sacs se remplissent  vite.  Je m’achète deux bonnets pour 7 Euros car il commence à vraiment faire frais et je n’en avais pris qu’un seul,  fin,  chaleur en vue dans ma tête. Le  retour est rapide en taxi et nous croisons Bernard et Jeanne qui eux aussi vont faire un petit tour en ville. Le départ est maintenant prévu samedi.

Jeanne amène un excellent thé du bateau pour nous réchauffer à l’heure ou la lumière, déjà chiche, s’évanouit. 18H30 : Nuit noire !! Pia et Ulf passent au clubhouse  et proposent un billard apéro le temps qu’ils aillent acheter des bières. On ne se fait pas prier et nous jouons jusque 21H00 Jeanne Pia, Hervé et moi pendant que Ulf, Yves et Bernard discutent inlassablement bateau. Demain est la mise à l’eau de CLARY leur petit sloop de moins de 10M après un an d’hivernage à terre (Ils  sont rentrés 10 mois en suède d’avril à Février).  C’est toujours un événement et ils sont tout excités. Nous nous quittons en essayant quelques mots de suédois.  Nous ferons simple ce soir : une soupe chaude et bannette. Demain nous devrions avoir le papier de sortie ZARPE enfin tamponné !!

Vendredi 24 Avril : ZARPE définitif et fruits de mer

Journée d’attente qui démarre sous la pluie tranquillement. Comme notre départ est programmé demain, Hervé qui bien qu’ayant  un mois passé ici entre le 15 février et 10 Mars décide d’aller visiter un peu Puerto Montt. Il en reviendra déçu par l’architecture. Pour moi le charme de la ville est bien ailleurs : dans le paysage qui offre à la vue une baie splendide sur fonds de pics et volcans enneigés, dans ses faubourgs grouillant de vie où les ferreteria (quincaillerie) à l’ancienne côtoient les surpermercados de la taille d’une épicerie arabe du 18ème, dans les abords du terminal de bus, véritable poumon de la ville avec ses va et viens de cars et autobus de toutes tailles. Les taxis y déferlent sans discontinuer et s’arrêtent prendre leurs clients chargé de sacs de courses comme nous, devant les étals de vendeurs de fruits et légumes et les boutiques vendant des produits chinois à des prix défiant nos valeurs. Nous aimions y venir avec Bernard simplement pour flâner et boire une bière dans un rade crasseux typique où la consommation de base reste le litre de bière CRISTAL  (par personne bien sûr)accompagné d’une mini assiette de frites froides que les serveuses rondelettes posent négligemment sur le coin de la table ,  tout en ayant l’œil rivé sur les multiples écrans de télévisons débitant des telenovelas ou des matches de foot.

A 11H30, Bernard ressort du bureau de la Marine avec le ZARPE définitif que l’on s’empresse de prendre en photos. Pour fêter cela, j’ouvre les huitres plates achetées à Angelmo, tout en ayant dû reconditionner un opinel en couteau à huître après qu’il ait perdu son premier round  contre celles-ci. Avec une belle salade de poulpes et une mayonnaise maison pour accompagner le crabe décortiqué. 

L’après -midi se partage entre sieste et communication digitale. Je pars à pied sous la pluie  Angelmo racheter huitres et palourdes, et également un peu de fromage, puis rentre en bus car le sac pèse lourd et je n’ai pas envie de marcher au bord de la route sous la pluie à la nuit. 

19H30 nous sommes invités à l’apéro sur CLARY par ULF et PIA. Ce bateau, à l’opposé de nos  bateaux modernes est une merveille. 32 Pieds, donc à peine 10m, quille longue, arrière norvégien, bas sur l’eau, il date de 1965. L’intérieur tout en boiserie est magnifique et le solest couvert de peaux de phoques du Groenland, douces et chaudes au pied. Ulf et Pia sont partis il y a maintenant 8 ans de suède et ont pris le temps de vraiment visiter, ils sont ainsi restés un bout de temps en Bretagne sud et nous évoquons ensemble ce petit paradis. Evidemment l’apéro se prolonge en dîner improvisé, Jeanne  préparant une belle assiette de fromages et membrillos (pâte de coing) de notre bord. PIA a une belle guitare Fender dont elle ne sait pas trop jouer. Elle est ravie de  me la sortir  d’un joli placard en bois et la soirée se poursuit en chansons jusqu’ après minuit. Des moments de convivialité vraie que nous savons générer et qui enchantent nos hôtes. Nous sortons de CLARY émus car demain nous nous  quittons à regret avec des chances limitées de se revoir en Polynésie.

Ici s’achève le journal de bord du confinement sur la Cardinale, les prochains journaux de bord seront donc ceux de la traversée.

Francis le Cook