Saison 6 - Episode 10 : Quand il faut partir.

Le grand départ est prévu pour ce samedi 25 avril 2020. Il y a 3600 Milles nautiques… Mas o menos… Pas rien… Nous serons cinq : Hervé, Francis, Yves avec Benny et Jeanne. Tim est parti. Je n’arrive pas à réveiller mon enthousiasme…

Calée au Quincho de Reloncavi, j’écris, je réécris quelques récits, je trie à l’intention de Quentin les quelques photos à mettre sur le site. Mais c’est long… Et je suis bien là, au calme à regarder des images que je trouve belles à partager… Benny appelle. « --On part à midi ! » Il me reste une demi-heure ! Je n’ai pas fini ! Pas de wifi en continu… Je prends conscience que l’appréhension du départ est bien là, que cette grande traversée a beaucoup de milles, de nuits, de vents, de temps à passer, d’infini, d’inconnu. Pour me rassurer, Benny évoque l’idée de passer la première nuit devant la maison de Juanita.

Et c’est le départ sous les adieux émouvants de Ulf et Pia qui depuis leur bateau mis à l’eau hier nous font signe de la main et du cœur, laissant le vent dire toute leur bonne amitié et la nôtre pour eux. La Cardinale s’éloigne, et s’en va vers le Sud pour attraper le canal Chacao qui sépare l’île de Chiloé du continent. Nous n’irons pas embrasser du regard notre chère Juanita, nous irons plus loin, à Abtao pour être à poste devant le canal au bon moment du courant favorable. Abtao, petite bahia de pêcheurs sera une escale bienvenue pour profiter d’une soirée tranquille et d’une matinée ensoleillée. Quelques mouvements de bateaux autour de la salmoneria plus loin, une église jaune au bord de l’eau à côté d’un petit bâtiment sanitaire et une bouée de sauvetage rouge qui dérive lentement mais sûrement dans le vent.

Irons-nous la repêcher en annexe ? Oui car l’imaginaire marin nous présente le geste reflexe de celui qui voudrait l’attraper pour la lancer à un noyé et qui ne la trouverait pas à sa place. Oui, et c’est aussi une jolie ballade en annexe, vigoureuse certes mais que nous faisons tous les deux Benny et moi.

Nous la ramenons et l’amarrons sur un anneau sur la plage. Marcher sur la plage dans cet instant a quelque chose de presque sacré, celui de la conscience de l’ici et maintenant quand le sable crisse et laisse derrière soi l’empreinte des pas. Le canal Chacao a un fort courant de presque 10 nœuds et ses tourbillons nous rappellent ceux du Golfe du Morbihan.

La Cardinale joue et passe tout près des piles de construction du futur pont avant de s’engouffrer dans la dernière caleta Godoy. Maintenant, il est 19h30. Je vais nous préparer un dernier petit Pisco. Il y a à bord une sorte de gravité silencieuse. Francis nous fait un magique plat de spaghettis « Vongole » avec des palourdes et la bonne recette de Patricia. Un pur régal ! Nous voilà rassasiés et d’une humeur peut-être un peu moins grave. La grande houle, c’est pour demain.

La Plume qui vous embrasse.