Saison 6 - Episode 12 : L’île de Robinson Crusoé.

Ce matin du 5 mai, L’île Juan Fernandez, environ 900m de hauteur nous est apparue tout d’un coup, derrière les nuages que le soleil a balayés d’une caresse. « Terre ! » a crié le Capitaine.

Et nous nous sommes tous réjouis à l’unisson, peut-être un peu bruyamment, autant pour montrer notre joie que pour honorer le premier qui la découvrait. D’abord et toujours, appeler l’Armada pour nous annoncer et demander permission de faire escale. Permission nous a été donnée de rester là pour régler un problème technique : il faut changer l’alternateur ainsi que la courroie du moteur.

L’Armada est venue nous accueillir, avec des masques, et nous a donné une bouée de mouillage en nous disant bien de refuser tout contact avec des pêcheurs qui « auraient pu venir nous voir…pour nous vendre des langoustes par exemple… » OK message bien reçu. Les langoustes sont enfermées dans une grande caisse en bois juste à notre nez et à notre barbe, à trois mètres du bateau et on voit leurs pinces rouges qui tentent de sortir… Mangez-moi, mangez-moi, mangez-moi Ahhh cruel confinement…

Mais il est midi, et nous sommes posés tranquillement à plat. Nous commençons par nous nous offrir le luxe d’un excellent apéro-déjeuner, au soleil, c’est toujours le Cook qui cuisine, puis une sieste pour tout le monde et après le thé de cinq heures, c’est mon tour de cuisiner. Aidée de Yves qui se propose toujours pour l’épluche, je prépare moi aussi un bon dîner de pommes de terre rôties, (recette de Monique, la Maman de Francis) accompagnées de deux bons morceaux de viande de bœuf.

Et cette nuit, nous allons pouvoir dormir, dormir tous au calme, dans un abri. Relatif l’abri, car les rachas grondaient au petit jour et tiraient fort sur l’amarre de la bouée de mouillage indiquée par l’Armada. Au petit matin, nous avons finalement jeté l’ancre un peu plus loin dans une zone un peu mieux abritée. A bord, l’ambiance est paisible. Chacun s’active selon ses désirs du moment : bricolage, cuisine, lavage, lecture ou écriture ou encore pour Hervé le pétrissage quasi quotidien de notre bon pain suivi d’une tranquille observation de l’horizon tout en fumant sa pipe sous la capote du roof.

Mais nous sommes confinés et cet état prend une autre dimension lorsque nous avons la chance de faire escale dans une île aussi mythique que celle de Robinson Crusoé. Déjà bien confiné dans l’espace réduit qu’offre le bateau, l’équipage à tour de rôle, s’empare des jumelles et vient décrire ce qu’il voit au loin dans ce bien joli village… Là-bas où il y a des petits rideaux, dit Yves avec un air rêveur, c’est un restau… Comment le sais-tu ? Je le vois ! Son air s’emplit de nostalgie... Une bonne bière fraiche… Oui, confirme Hervé, c’est indiqué dans Mapsme…

Les maisons très coquettes et assez neuves, avec de belles allées fleuries, des sapins, des routes, du mouvement, de la vie… Des jeunes plongeurs viennent discrètement nous saluer. (L’Armada nous avait pourtant bien dit d’éloigner toute personne qui s’approcherait). En fait, cette île qui s’appelle Juan Fernandez a subi un Tsunami provoqué par un tremblement de terre en 2010 ainsi qu’un deuxième drame en septembre 2011 lorsqu’un avion transportant des journalistes venus pour l’émission « Buenos Dias a Todos » pour filmer les chantiers s’est écrasé près de l’île. La mort des 21 passagers a doublement endeuillé l’archipel. Nous comprenons pourquoi le petit village portuaire nous semble très soigné… Il est tout neuf.

Ah ! Comme notre confinement nous pèse alors… Comme nous aurions aimé déambuler dans le port, connaître les pêcheurs, les insulaires, partager un moment avec eux, nous offrir une belle randonnée de 3 km pour atteindre le mirador d’Alessander Selkirk, le véritable naufragé de l’histoire, l’Ecossais qui est resté tout seul avec des chèvres pendant 4 ans et 4mois.

Hélas pour nous mais hélas encore plus pour ceux qui n’ont pas cette chance de naviguer… Et nos pensées se tournent vers nos amis navigateurs qui n’ont pas bougé depuis cet interdit. Ce matin, habillés de la combinaison bleue des chefs-mécaniciens, Benny et Francis vont se confiner encore un peu plus et passeront la matinée dans le réduit du moteur pour remplacer la courroie, changer l’alternateur. Un vieux tapis rouge fait office de champ opératoire tandis que des petites mains passent la clé de 13, puis la pince qui va bien, un tournevis plat.

Aucun mot en trop. Concentrés et efficaces sont nos techniciens du bord : re-positionner, visser, vérifier tout ce qui doit l’être puis, enfin se féliciter que tout fonctionne ! Francis pique une tête dans la belle eau pour se dé-confiner, dé-gourdir et se dé-lasser tout à fait… Un climat méditerranéen qui nous donne envie de goûter l’eau… A mon tour… Je plonge… Dé-li-cieuse ! Ah comme cette escale a fait du bien ! Trois petits tours de nage autour du bateau et puis s’en iront reprendre la mer… La Cardinale relève son ancre et repart vers le large retrouver la grande houle du Pacifique.

La Plume qui vous embrasse de cœur.