Saison 6 - Episode 13 : La Cardinale poursuit le soleil couchant
Toujours dans la grande houle du Pacifique, avec la sensation d’être portée et poussée, cap à l’ouest comme les tribus du Levant, La Cardinale poursuit le soleil couchant. Après avoir avalé plus de 1600Mn depuis l’Isla Juan Fernandez, c’est l’île de Pâques qui enfin, se révèle à nos yeux, ce midi- là du vendredi 22 mai. La brume rend l’horizon opaque et gris et laisse apparaître une masse sombre.
La fameuse île de Pâques. Enfin ! Mais l’approche est malaisée avec des rafales à plus de 40 nœuds et de la pluie, le vent dans le nez et des embruns qui nous giflent en cadence. On dirait qu’on est un peu trop descendu cette nuit. Il nous faut lutter contre le vent pour remonter vers la côte sud.
Silence à bord. Ceux qui sont dehors sont trempés mais sont aux premières loges pour un spectacle complétement hallucinant de l’approche. Des franges d’écume qui bondissent tout autour de la côte ! Et cela n’en finit pas… En longs rubans furieux qui se dévident en force, et qui explosent en éclaboussant très haut la falaise pour la masquer parfois toute entière… Et cela tout du long… C’est beau… une effrayante bande de déferlantes qui se succèdent et se poursuivent en hurlant le long d’une côte de terre de lave calcinée, déchiquetée et noirâtre.
La contraste avec la lèvre blanche qui déferle c’est vrai que c’est beau mais… Euh… C’est sûr qu’on va là ? Silence du Capitaine qui met le moteur en renfort pour passer cette fichue pointe Est. Pas hospitalière la côte… Sinistre même! On mouille ! Là ? Oui ! Là ! Malgré la houle, l’ancre ne bougera pas et La Cardinale, le cœur content, sera en sécurité pour la nuit. Le matin clair nous laisse découvrir une côte encore moins hospitalière.
A la place des moias tant attendus, nous voyons des grosses citernes de gasoil, et quelques vaches qui semblent ruminer quelques chose… La même chose que nous peut-être ?Avec les jumelles, nous balayons l’espace terrestre et découvrons des randonneurs, grimpeurs assez hardis de s’engager au bord des falaises escarpées et là… des surfeurs ? Non pas là, ça fracasse trop ! Mais oui, ce sont bien des surfeurs fous qui se jouent des risques ou plutôt qui les recherchent pour leur immense plaisir de la glisse !
Nous sommes au sud de l’île, dans Hanga Vinapu, exactement à Papa Otuu, lieu mythique pour les intrépides et magnifiques sportifs qu’ils sont bien ! Mais gare aux rochers d’obsidienne aux tranchants et si blessants. Chaque escale, oserais-je dire bien méritée après tant de milles parcourus a été refusée. L’île de Pâques n’échappe pas à la règle mais l’Armada Chilienne nous a autorisés à mouiller. Heureusement car l’équipage aspire à un peu de repos. Chacun évoque alors le plaisir de la navigation, les longues journées de mer, les manœuvres, les quarts à partager, la vie à bord, la pêche qui déclenche l’enthousiasme de tout l’équipage, les bons petits plats du Cook, les chants de marins qu’on répète pour nous, pour les chanter si l’occasion se présente, ou encore la sublime beauté des horizons gris et roses enluminés de soleil, la magie de la voute céleste sous l’œil rond de la lune, les étoiles qu’on aimerait connaître mieuxmais l’escale… l’escale … en voilà une qui gagne tous les suffrages.
Tout le monde parle en même temps pour en évoquer une, là-bas, en Patagonie, en Antarctique, aux Antilles et même à Hoëdic avec de belles rencontres, des souvenirs… des pots à partager, des arrivées à fêter tout simplement ! Se réjouir d’être rendu là… Mais on se tait. On n’ira pas à terre. Et puis on pense à ceux qui n’ont pas pu partir… Alors, de quoi se plaint- on ? La Plume qui vous embrasse.