Saison II, News 7. La Transquadra a viré le phare des Eclaireurs !
Laissons Denis Malouines ouvrir la news n°7 en citant Aimé Césaire :
« Je me refuse de donner mes boursouflures comme d’authentiques gloires.
Et je ris de mes anciennes imaginations puériles. »
C’est ainsi que le poète martiniquais évoquait le lien du passé au présent.
C’est ainsi également que quelques marins de la Transquadra se réunirent pour un petit lien qui vaut beaucoup. Sur la Cardinale, bateau de 50 pieds de long et bien plus de miles sous sa coque, ils s’amarinèrent pour les cinquantièmes.
La quête du passé est une bonne base de réflexion pour un départ en pays patagon.
Les indiens d’Amérique centrale, Caraïbe ou de Patagonie ont ce point commun d’avoir été chassés de leurs terres nourricières ou de leur mer aimante.
C’est justement là, en mer que la Cardinale proposait de parcourir les légendes ou les mythes, peut-être même une vérité. Quelque fut le glacier découvert et admiré : Fouques, Ventisquéros, Pia, Garibaldi ou même Yendégaya , rien qu’à ces noms, la mémoire vibre et nous entendons Jean Raspail nous réciter les aventures douloureuses des Yaghans, Onas, ou Alakalouf.
Nous arawaks de la Transquadra, nous avions choisi de descendre plus au sud, pour rencontrer les racines des marins aventureux. Ceux pour qui l’horizon est une ligne à dépasser.
L’avitaillement fait à Ushuaia est dans les soutes
Nous pouvions tenir salon autour du Pisco.
Nous pouvions tenir la barre autour des 40 nœuds.
Nous pouvions tenir l’écoute à 5° celsius. P…. c’est dur !
« Tenir et Pouvoir » était le dicton de la Terre de feu, les ancêtres indiens avait montré le chemin.
La solidarité des âmes sont présentes dans le reflet bleu des Glaciers, nous avons même vu la Vierge sculptée.
Le temps n’a pas de prise sur l’imaginaire dans la Cardinale.
Les baleines, lobos, dauphins et albatros sont nos compagnons de voyage, ils nous montrent le chemin de la quiétude , de la patience et de la paix intérieure. Cette nature émouvante autant que mouvante vaut largement une plage de sable fin de notre Martinique.
Ne soyons plus esclave de nos emportements de colons ou missionnairesmigrateurs.
La route est longue de Saint-Nazaire, Madère, le Marin à Puerto Williams, mais quelle belle idée d’avoir prolongé le chemin avec cet équipage et Capitaine « AD quat ».
Debout dans les cordages.
Debout à la barre.
Debout à la boussole.
Debout à la carte.
Debout sous les étoiles.
Debout et enfin libre de contourner le Cabo Hornos. »
Puis tout spontanément, Alain Kéraudy vous invite à bord :
« Je suis là, sur le pont de la Cardinale buvant une mousse au Soleil de Puerto Williams, cool, peinard. Mes coéquipiers sont partis à la douane ou sur le Micalvi bateau ponton de la marine chilienne. A quelques longueurs, les enfants de l’école de voile mettent les optimistes à l’eau en rigolant. Tout est comme chez nous. Seulement nous sommes au bout du monde (chercher sur une carte) et nous sommes cap-horniers. C’est vraiment la ville la plus australe. 2000 personnes dont une grande partie de militaires. Quelques petits restos, 2 épiceries une banque et c’est tout. Les formalités administratives effectuées nous partons le lendemain pour faire le tour du Beagle (canal à 2 bras).
C est tout simplement féerique! Nous touchons du doigt les glaciers et dormons tous les soirs dans un abri différent. »
En effet, à bord de la Cardinale, septAnciens de la Transquadra se sont donné rendez-vous.
C’est l’équipage actuel composé de Dany (3TQ) et Alain (2))Keraudy, d’Alain Guille (1), Denis Malouines et Vincent Torrès (ensemble1TQ) et Jeanne (2) et Bernard (6) de Ravignan.
Les histoiresfusent, les souvenirs remontent déliés par les évocations des noms, des dates, des situations comiques ou pathétiques, des rires et des tristesses de ceux qui n’en sont pas revenus.
Il faudra plusieurs petits-déjeuners avant d’épuiser le sujet… qui ne le sera pas.
Mais si aujourd’hui, nous sommes ici, en Patagonie, c’est dans l’intention de découvrir un autre monde sauvage et extrême et nous sommes prêts à éprouver le vent furieux qui a soufflé toute la semaine passée. Pourtant, la Patagonie a levé son voile de brouillard sombre, a freiné les chevaux fougueux d’Éole et tout benoîtement a ouvert une session « vacances au soleil». Oui, oui, oui assurément !
Il y a une règle d’or ici, qui consiste à profiter tout de suite, maintenant du beau, du bon, du silence.
Rien que du soleil, du ciel bleu et si par hasard, quelques nuages balaient le ciel, ces derniers s’effacent aimablement à l’arrivée de La Cardinale pour laisser apparaître un glacier dans toute sa munificence.
Bleu, lumineux et immense. Une généreuse beauté.
Un glacier tout éclairé et puis un autre le lendemain, chacun se laissant découvrir au dernier moment grâce au grand régisseur de ce théâtre de glace qui projetait ses lumières pour venir in fine, révéler les bleus profonds nichés au fond des fjords.
De la voile, du vent dans le bon sens, du soleil de Méditerranée, nous avions à bord Vincent Torrès, un pêcheur de là-bas qui n’a jamais perdu l’accent pour nous évoquer ses calanques qu’il comparait avec raison avec les mouillages du plein été austral et Patagon.
Bon, là, une tendresse particulière pour l’équipage d’avant qui a connu la pluie, les rafales, les rachas glacées… Les hardis montagnards, ceux avec qui on a pu redire riant et en plagiant les commentaires du film « le Rêve de Darwin »
« Ça n’va pas s’améliorer dans la journée… Par contre, demain, ça se dégrade ! »
Mais la saison a ses coquetteries et la Cordilière de Darwin en grande Dame a soulevé sa voilette comme on lève son chapeau pour dire : « Mirez-moi, mirez-moi, je ne saurais me dévoiler au delà d’un clin d’œil… »
Tous les appareils photos sont braqués sur… Sur tout ce qui se regarde, c’est à dire sur tout ! L’horizon, l’éclat de la mer, le relief des montagnes, les cascades, les glaciers, les premiers, les autres, les lumières, les bleus, les reflets, les dauphins, plus bondissants que jamais, les lobos marinos, sortes d’otaries à crinières qui caracolent près du bateau tandis que la meute se prélasse sur des rochers en grognant et en bêlant. Ami lecteur, réjouis-toi d’en être éloigné, l’odeur sous le vent dépasse ce que la grammaire en dirait.
Et ici, Op Joie ! Un couplet pour les baleines ! Leur souffle au loin, puis leur forme sombre et arrondie qui se dessine… La queue en bouquet final émerge soudain. Elles sont trois ! Non quatre ! Elles approchent… et moteur au ralenti, la Cardinale se fait cousine pour laisser passer sous sa coque noire et rouge les mastodontes au ventre blanc. Un momentde suspens retient l’équipage qui se tait, et qui se tient… qui se tient fort au bastingage. Et s’il leur venait la fantaisie de se retourner là maintenant ? Mais non, elles se rient de nous et passent leur chemin.
Puis elles saluent en une ultime et sublime parade.
Nous allons ce soir vers Coloane, un glacier qui se découvre au fond d’un large fjord. La mer est d’huile et les reflets doublent le plaisir du spectacle. Et demain, trois d’entre nous se déciderons pour faire un petit tour en annexe pour aller pêcher des images. Mais ce lieu ensoleillé nous rappelle encore la dernière escapade en crampons et nous voulons revoir ce glacier de près et le partager avec Dany qui grimpe bien elle aussi. Même au bord du glacier, sur les roches rondes et tachetées de roux, l’impression est immense.
Mais où est donc la Cardinale? Il faudrait aller plus haut, plus loin pour la voir…
A bord, c’est la joie et si chacun exprime son contentement d’être là, chacun aussi rivalise de savoir-faire que ce soit aux manœuvres ou à la barre, aux mouillages dans l’annexe ou aux lamanages. Lorsque chaque équipier est parfaitement compétent pour toutes les actions du bord, cela peut donner lieu à des situations cocasses comme la démultiplication d’un même geste avec trois personnes également amarinées et bien placées pour l’exécuter. Humour et bonne humeur étant les mamelles de la vie à bord, il a fallu parfois revenir à leur source pour que chacun trouve sa place ou la laisse.
Pour les photos, c’est un véritable concours où tout le monde est gagnant à tour de rôle et la vision révélée sur tablette double le plaisir d’avoir été là et d’emporter des images à partager avec les siens.
« Ah ! Il faut que je fasse mon Savarin ! »
« Pardon ? »
C’est le chef pâtissier Alain Guille qui se lance dans un Baba au rhum… Puis le lendemain, c’est une crème brûlée succulente, brûlée au chalumeau du bord qui réjouit les papilles.
Et oui, et le Chili con Carne de Dany sera enregistré dans le livre des bonnes recettes de la Cardinale. Chacun se régale de ses salades colorées et délicieuses et la table du bord continue d’honorer les étoiles que le Muzik-Cook avait gagnées.
Après ce grand tour de glaciers, et une courte escale à l’île Lennox, nous aurons la joie d’être accueillis par l’aimable famille de Louis, l’Alcamar en poste et aussi la surprise de découvrir un manchot empereur qui maternait son Tigrou en peluche. Gare à qui voulait le lui chiper! Dans ce lieu battu par les vents, l’accueil autour d’un bon café et d’un petit pain tout chaud ainsi que la rencontre de deux petites filles jouant avec leur pinguino avait de quoi nous attendrir et nous faire rêver d’inviter nos petits-enfants à partager cette récréation…
La Cardinale se sent d’aller virer le Cap Horn. Cette fois encore, il y aura à jongler avec les fichiers météo pour se présenter au bon moment.
Le 7 mars, la Cardinale passera le Cabo de Hornos et fera de son équipage des Heureux!
» On est Cap-Horniers! On est Cap-Horniers! »Et voilà comment est né le nouveau « Salute » du Pisco du bord!
Puis après une traversée plutôt musclée de la baie de Nassau avec des coups de williwaws à 55 nds, la Cardinale filait ses 8-10 noeuds avec pour seule voilure son génois à moité déroulé. Sur une mer croisée, éclaboussée de soleil, la Cardinale tenait bon son cap. Comme un cheval fougueux qui se redressait à chaque emportement sur une vague, l’étrave émergeait de l’écume en s’ébrouant violemment et en projetant sur les pitoyables équipiers trempés … en projetant quoi? de superbes gerbes irisées mais tellement violentes qu’un casque aurait pu parfois être le bienvenu… Pas de photos ce jour-là pour le retour sauf à l’arrivée « ben appréciée » à Puerto Toro.
Puisà Williams avant de revenir avec un autre bon coup de vent dans le nez à Ushuaïa.
Voilà, c’est la fin de cette jolie balade. L’équipage adresse un petit mot affectueux à l’intention de Marco et Brigitte.
Marco Capdeville était de la première virée à bord au départ de Nantes et aurait dû être des nôtres pour la Patagonie.
L’aventure continue et tandis que cette newsletter se laisse écrire depuis la table à carte de la Cardinale, et que le vent souffle en rafales sonnantes et trébuchantes, l’équipage de la Transquadra s’en va diner chez Manu, le meilleur restaurant, le plus austral du monde, celui dont la carte à elle seule mériterait le voyage… 2135, rue Luis Fernando Martial, 9410 Ushuaïa, Argentine, Tél: +54 2901 43-2253.
A bon entendeur…
La Plum’ qui vous embrasse de cœur.
Saison II. News 6. La Cardinale passe le Cap Horn avec ses montagnards.
Jeanne de Ravignan| 25 fév 2016| 0 comments
La Cardinale passe le Cap Horn avec ses montagnards.
Quittons les crampons mais restons vigilants ! Il y a une petite fenêtre pour passer le Cabo de Hornos à condition de ne pas trainer au retour puisque un fort coup de vent, 45-50 nds est annoncé pour le surlendemain. Départ tôt le matin du 8 février de la cala Martial, comme pour le dernier équipage en novembre, on n’est pas loin mais la légende a ses raisons et nous voulons nous présenter de bonne heure.
Et c’est à la voile, vent de travers, 20-25 nœuds que par l’ouest, nous nous approchons du vieux lion couché. (C’est Lui !) On a beau se dire que notre époque facilite grandement le passage du Cap, qu’on a bien étudié les fichiers météo, qu’on s’est levé tôt… chacun reste humble et vigilant devant les crêtes noires et acérées. Les albatros ricanent et dansent en l’air une sorte de ballet, face au vent et contre lui, ils se croisent en nous offrant une chorégraphie à angles vifs, laissant dans l’espace gris la blanche signature de leurs ailes immenses.
Oui, nous y sommes, un peu fiers tout de même et bien conscients que le titre de Cap-Hornier se méritait autrement autrefois.
Nous ne pouvons pas faire escale, mais saluons le passage dignement en portant un toast ! Pari réussi de la Cardinale qui a pu emmener ses grimpeurs jusqu’au au Cap mythique en regardant au loin l’Océan Pacifique.
Le retour vers l’île Navarino au Nord se fait à la voile, avec un bon vent portant, nous traversons la baie de Nassau à 8 nds de moyenne et malgré les nuages gris et menaçant, la lumière est là.
Puerto Toro ! Un bateau de pêche occupe le quai et manœuvre ses casiers à centollas (araignées géantes). Les hommes bâtis comme des joueurs de rugby se mettent à poste et roulent les casiers rouillés, comme on roule des tonneaux. Est-ce là une vieille habitude de marins ? Les casiers plus grands qu’eux sont déjà boëtés, empilés dans le bateau et les pêcheurs les balancent à bord en s’accordant sur un rythme digne de la maitrise d’un numéro de cirque. Les matheux de la Cardinale en auraient compté 400… Pour un peu, on les accompagnerait bien au tambour…en attendant subjugués que la Maria-Belen nous cède sa place contre le quai.
Le lendemain, les crapahuteurs se « lancent à l’aventure » sous la houlette d’une jeune fille charmante du pays. La fille de l’Alcamar a des longues jambes, elle marche vite et connaît son île ! Il pleut et il a plu…depuis plusieurs jours, Le sol est trempé, glissant nous entrainant jusqu’à un lac noir dans lequel des moignons d’arbres argentés résistent… Image de désolation… Vite dépassée car la jeune fille aux mollets d’acier guide la troupe vers la mer ; Il y a paraît-il une cala riche en fruits de mer très exotiques : les piures (piourès) et aussi quelques oursins…
A ces mots de pêche possible, le marin-cookman-musicien du bord, j’ai nommé Francis Brucelle, le pêcheur de la Cardinale, celui qui avait construit avec son petit camarade de jeux une ligne à ailette, une planchette en bois moulé, contreplaqué vernis, laquelle a disparu aussitôt, emportée par les longues lianes du kelp. Donc the Francis et le Pitaine aussi décident ensemble : « Nous irons demain pêcher le piure avec La Cardinale et avec la jeune fille…et un vrai pêcheur qui connaît le coin.
Une très belle aventure partagée avec des gens du pays aussi accueillants que rieurs de nos découvertes. Cata et sa famille nous avaient dès le matin tous invités chez eux pour un petit déjeuner reconstituant. Des tartes salées, sucrées, meringuées au citron, du pain frais sortant du four et un bon café pour réjouir l’équipage de la Cardinale et l’encourager à aller à la pêche.
Ainsi fut fait. En ciré bien capelé, jambes nues et pieds nus dans l’eau glacée, Cata et son ami ainsi que Francis affrontent à marée basse le dépistage du crustacé convoité. Il s’incruste à la roche et se fond dans le paysage et s’il est débusqué et arraché à la machette, le piure saisi pisse haut, droit dans l’œil du pêcheur un jet clair! Et il récidive autant de fois qu’il peut ! Deux seaux pleins de piures et d’oursins seront remontés à bord par les pêcheurs frigorifiés mais heureux !
En France, le piure se nomme violet mais n’est pas si convoité qu’ici. C’est « assez spécial », « très iodé » «Charnu et d’un beau rouge Hermès », « très bon très frais pêché, meilleur qu’en bocal…
La Cardinale continue son périple et fait le tour de l’île Navarino pour un dernier salut au Micalvi avant de rejoindre Ushuaïa.
C’est la fin de cette superbe équipée mer et montagne.
Heureux mais silencieux, l’équipage prend la mesure de cette partition-là et s’en va, chacun emportant ses photos, son journal de bord et ses souvenirs et sûrement autre chose encore qu’on ne sait pas dire.
La Cardinale reste au quai.
Pendant cette semaine, La Cardinale se fera aussi accueillante que possible pour recevoir des amis de La Transquadra, Laurent et Gilles Perrin venus de France en famille pour revoir leur père. Roxanna, Capitaine de port et amie, présente aussi dans les moments forts a assisté de son mieux toute la famille. Jean-Claude Perrin est décédé à Ushuaïa alors qu’il voulait réaliser avec sa douce compagne Hélène son dernier grand voyage autour du monde. C’est à bord de La Cardinale que les cendres de leur père seront dispersées.
Le ciel ce jour-là a renvoyé une belle lumière à l’image du recueillement de tout l’équipage.
Quelques news de la Plum qui vous embrasse.
Saison II, News 5: D’un glacier à l’autre.
Jeanne de Ravignan| 06 fév 2016| 3 comments
D’un glacier à l’autre.
C’est la chronique de Patrick Chedmail qui se donne à lire.
Croiser dans le Grand Sud, c’est bien sûr la navigation, les changements de voiles, la météo, les cartes, le vent, les rafales, le moteur, le « bourrin », qui apporte vitesse et énergie face au vent.
Pour cette version « Objectif Grand Haut » de La Cardinale, c’est aussi les randonnées à terre, le matériel d’escalade, les harnais, les mousquetons, les cordes, les pitons, les chaussures de marche.
Mais c’est encore la vie en commun, à six, certes sur un grand voilier, mais où l’espace de vie reste limité : 15 m de long, 4,5 m au « maitre bau », un pont abrité, avec le carré et les cabines, un autre ouvert aux éléments, une généreuse « casquette » qui recouvre la descente. En « surface corrigée Carrez» on doit être proche de … pas grand-chose !
Il faut donc s’organiser et quelques objets rythment la vie à bord.dans ces contrées australes.
A tout seigneur tout honneur, Dame Wallas, la cuisinière, la gazinière, la gasolinière, en un mot : La Wallas. Beaucoup a déjà été dit dans le passé de ces chroniques sur cette Danoise capricieuse et nous ne nous étendrons pas. Simplement, notons que, fidèle à sa réputation, elle nous a mis en rade inopportunément entre une fournée de pain et un gratin, et que le capitaine, fort de son inépuisable patience et soutenu par son incomparable second en « Wallasseries » ont pu la remettre en état de marche en un clin d’œil, et que, depuis, elle nous rend sans défaillir, tous les services attendus d’un aussi sympathique engin : brandades de « jale », farfalles aux « centollas », tarte aux pommes, potée de choux au jarret, … (le coock prépare l’opus consacré aux recettes de La cardinale, vous lui demanderez). Rappelons enfin que Dame Wallas, pour être frugale, n’en est pas moins exigeante sur deux points. Il lui faut du fuel et de l’électricité. Pour avoir négligé cet aspect de sa personnalité, elle nous laissera encore en rade deux fois dans le séjour. Ah oui, j’oubliais un dernier point : elle est susceptible …, très susceptible. Aussi ne faut-il pas la critiquer trop ouvertement, et surtout ne pas vanter les talents de son voisin, ami et concurrent en affection, Maître Refleks.
Cet autre maître des lieux est lui aussi Danois, court sur pattes, mais élégant dans sa robe inox, il trône au cœur du carré équipage, entre les bannettes dudit, appuyé à l’épontille du mât de misaine. J’ai nommé le Réfleks, ci-devant poêle du bord : 1500 watts à pleine puissance, pas d’électronique, rustique, tout en muscle. Sans défaillir, il réchauffe, sèche, cuit si nécessaire, et ceci à la demande depuis que Luc en a percé les mystères et livré le mode d’emploi (au cas où vous vous retrouveriez impuissant devant sa gueule noire : ouvrir le poêle, déposer une plaquette de méta ou un allume-tout chilien enflammé au fond, à proximité de l’arrivée du fuel, refermer le couvercle, attendre 2 minutes, ouvrir la vanne d’arrivée du fuel, ouvrir le robinet de réglage au 1/3 de sa puissance, et surtout ne pas oublier de mettre en place la cheminée côté pont. Nettoyer tous les mois). Sous ces latitudes fraîches la nuit, le matin, le soir et en journée c’est extra sa chaleur au cœur du navire. Avec l’appoint des « radiants », les 25° sont atteints en une demi-heure.
Lundi 1er février. Seno Venticero à Seno Garibaldi. La Cardinale amorce son retour vers Port Williams. Première étape, le Garibaldi. 40 miles à parcourir partagés entre moteur et voile. Le vent oscille tout du long entre 0 et 15 nœuds. Quelques manœuvres, mais rien de bien fatigant. Francis mouille la « planchette japonaise » de sa fabrication : deux planches de contreplaqué mises en forme, un plomb de plongée, quelques vis et de la colle, et … ça marche. Le Mac Gyver du bord a encore frappé ! Du premier coup la traine plonge à quelques mètres, entrainant hameçons et leurres accrochés à son extrémité. Il suffit de la relever lors des rencontres avec le « kelp » dérivant, une grande algue locale. Celle-ci peut atteindre 50 m de long. Dure comme du bois, elle bloque les hélices des bateaux lorsqu’elle s’accroche. La traine n’y résisterait pas.
Vers 15h nous entrons dans le Garibaldi, un fjord long de plus de 10 miles, barré à son entrée par un « verrou » morainique à 20m de fond qu’il ne faut pas manquer. Une heure et demie plus tard nous passons devant la petite ile où nous mouillerons tout à l’heure et poursuivons vers le fond du « Seno », là où le glacier se jette dans la mer. Nous entendons la puissante rumeur des chutes d’eau, cascades spectaculaires qui tombent de plus de 200 m du haut de la falaise qui domine le fjord.
Soudain se mêlent des sons presque humains, de plus en plus en plus forts à mesure que nous approchons un coude du Seno exposé au soleil du Sud-Ouest. Rendus curieux, nous nous déroutons vers la rive située à près de 600 m de notre ligne de navigation. Moteur au ralenti, à moins de 2 nœuds, nous traversons avec précaution une épaisse ligne de growlers. Nous sommes maintenant à moins de 200 m de la rive, jumelles braquées sur ce qui nous semble être des troncs d’arbre. Soudain les formes s’animent, ce sont des lions de mer, les « lupo marino ». L’odeur qui flotte dans l’air ne laisse d’ailleurs plus de doute. Ils sont plus d’une centaine, dont une dizaine de mâles à la crinière ébouriffée. Ces derniers « bragissent » (est-ce le terme ? ), la gueule rejetée vers le ciel, et c’est leurs cris qui nous avaient alertés. Plusieurs énormes femelles nagent devant le troupeau, en jouant à grands coups de nageoires et de claquements de mâchoires. A l’abri des grands mâles, une palanquée de jeunes lions de mer s’exercent avec maladresse à la marche à terre. Plus inquiétants, une dizaine de « condors » voltige, volette et se pose au milieu des bestiaux. On se perd en conjectures sur leur présence. Attendent-ils de récupérer la dépouille des plus faibles qui ne sauraient survivre ? Profitent-ils des restes des repas de poissons (probablement plusieurs centaines de kilos, voire plusieurs tonnes par jour pour tout le troupeau) ? Maintenant à moins de 40 m nous « canardons » avec nos appareils photos la troupe impassible. Le spectacle est impressionnant. Cette colonie est répertoriée dans le « pilote » des italiens (Mariolina ROLFO et Giorgio ARDRIZZI, ouvrage de référence dans les canaux de Patagonie), mais, très mobile, sa position est en générale inconnue.
Heureux de cette rencontre, nous poursuivons sous le soleil vers le fond du Seno, vers le seigneur des lieux, le glacier Garibaldi. Celui-ci apparaît progressivement, majestueux, flamboyant dans la lumière. Les flèches d’un second glacier arrivant de la droite, masqué par un épaulement rocheux, jaillissent au dessus de l’arête de granit. Quelques craquements signalent que la « bête » s’agite, un puissant torrent glaciaire, sur sa rive droite, s’ébroue entre rochers et glace. Un fin liséré gris en son milieu signale quela langue terminale est le résultat de la jonction, plus en amont de deux glaciers. Cette « raie au milieu » lui va très bien.
Il est l’heure de le quitter, la nuit approche, et nous retournons vers la petite île rencontrée plus avant. Mouiller l’ancre, tendre deux aussières à l’arrière sur deux arbres à la côte, la manœuvre de l’équipage est maintenant rodée, et la Cardinale est parée pour la nuit. La Wallas (la cuisinière) nous donne quelques soucis de batterie (elle est chargée par un panneau solaire peut-être insuffisant), nous la rechargeons et c’est reparti Le dîner et le pain du jour sont prêts ; à table ; la vaisselle est astiquée, récurrée soigneusement comme très souvent par Hervé. Il faudra remplir demain la réserve à eau qui baisse de manière critique. Au lit.
Voilà pour terminer, un petit mot de Luc Robert qui rappelle que la Cardinale a une pensée reconnaissante aux personnes qui ont fourni du matériel de montagne (piolets, broches, crampons, baudriers). Citons Cathy, Rolland, Lionel, André du CAF de Gap. Un grand merci à eux.
Et La Plum’ ne résiste pas alors que les hommes piaffent de larguer les amarres pour aller vers le Horn, nous sommes à Puerto Williams, au Micalvi vous l’aurez deviné, ne résiste pas donc à redire la joie qu’elle a eu de partager avec les montagnards l’expérience immense de s’éprouver dans l’effort de la grimpe. Oui, nous sommes heureux et fiers pour certains dont je suis, d’avoir crapahuté vers des sommets assez abruptes, rocailleux par endroit, aux pentes glissantes en diable et tellement spongieuses que l’eauruissellait en continu des milliers de cascades. Des arbustes épineux et des forêts tellement primaires que… Même Gandalf ne s’y serait aventuré! Bref, j’étais partie avec trois hommes aux mollets d’acier… Un est resté avec moi et comme c’était le chef, il ne s’est pas demandé si j’irais ou non jusqu’au top. Il m’attendait et rendait le rythme plus acceptable pour mes guiboles de marins, à l’orteil cassé. Mais bon, « ça l’a fait »!
Là-haut, c’était un paysage lunaire tellement époustouflant que toute notre fatigue est tombée. Et on voyait au loin la Cardinale toute petite à travers un épais rideau de brume pluvieuse. Pour le retour, c’était « rock-en-roll » car il tombait une pluie glacée, horizontale et cinglante avec des ratchass qui m’ont perdre l’équilibre plus d’une fois! Quand il a fallu traverser 30m de foret primaire deux fois et que Luc m’a dit « suspends-toi aux branches, c’est un peu Tarzan », j’ai répondu que je m’appelais Jeanne… Mais bon…
Quatre heures de marche puis un petit retour en annexe sous la pluie face aux glaciers qui font chuter d’énormes blocs de sérac avec un sourd bruit d’orage, le thé fut délicieux…
c’est vrai que c’est parfois un peu musclé mais nous avons à bord l’ambiance qui va bien! Un skipper de bon ton, un cook chantant monté sur ressort, un champion de la boulange, aimable et qui va de l’avant, un philosophe qui rigole derrière sa moustache et qui s’imprègne des images, un fin grimpeur, maitre es escalade, cramponnage, encordage
et ma pomme… qui vous embrasse de coeur.
Saison II, news 4 : Objectif Grand Haut…
Jeanne de Ravignan| 20 jan 2016| 2 comments
Objectif Grand Haut…
Et voilà comment la Cardinale conduit les avaleurs de cimes aux bons mouillages !
Le Canal de Beagle et ses blancs sommets défilent au-dessus des vagues, et après deux jours de navigation, nous approchons de la première escale, celle qui allie mer et montagne selon les souhaits des impétrants.
Les marins ont troqué leurs bottes contre les crampons et ils vont se cramponner !
Sous la houlette de Luc qui équipe et qui guide les novices tandis que les fiers mollets grimpent comme des cabris!
Il y a de la bonne humeur dans l’air et une certaine excitation à « y aller »… là-haut… à approcher ce que habituellement le marin regarde béat d’en bas, balloté par les flots, rincé et capelé dans son ciré.
N’en doute pas Ami Lecteur, du plus haut qu’il est permis, lorsqu’il a atteint son sommet ou sa dune, le regard du marin se retourne toujours avec tendresse vers la Cardinale, seule dans son anse éloignée, elle qui semble attendre tranquillement le retour au bercail.
Mais je laisse place aux récits de Luc puis de Francis avec quelques photos de chacun de nous.
Chronique de la Cardinale, par Luc.
Dimanche 10 janvier : un peu « décalquée » par 25 heures de voyage depuis Paris, l‘équipe mer-montagne est accueillie à l’aéroport d’Ushuaïa par Bernard, capitaine émérite de La cardinale et par 40 à 50 nœuds d’un vent revigorant. Mise dans l’ambiance immédiate.
Repas reconstituant à base de Centollas (King crab) concocté par Jeanne : un régal. Puis visite d’Ushuaïa, la journée se terminant par un bon restaurant où les steaks argentins sont à la hauteur de leur réputation.
Lundi 11 janvier : descente du Beagle jusqu’à Puerto Williams (PW), formalités administratives obligent, la quasi-totalité de notre périple se faisant dans ce pays. Du vent, de la pluie et une bonne chute de neige au programme. Mais elle ne tient pas au sol : nous sommes quand même au plein cœur de l’été ! Au Micalvi, le ponton de PW, soirée chansons animée par Francis, rejoint par deux autres musiciens, visiblement appréciée par tous les équipages présents.
Mardi 12 janvier : Stand by : douane, services de l’immigration, autorités portuaires, visite sanitaire du bateau… Y’a du boulot pour le capitaine.
Mercredi 13 janvier : C’est parti pour la remontée du Beagle. Première étape jusqu’au mouillage de Puerto Navarino, en face d’Ushuaïa, mais en territoire chilien. Sous un vent contraire de 30 nœuds, au moteur, La Cardinale taille bien sa route et ne mouille pas (trop) son équipage.
Jeudi 14 janvier : Longue journée de navigation (arrivée à 10 heures du soir) jusqu’au mouillage de la Caletta Olla, située à l’entrée du bras noroeste du Beagle, immédiatement après l’île du Diable.
Vendredi 15 janvier : L’équipement change. Les chaussures de randonnée remplacent les bottes et les anoraks les cirés. L’équipage mer-montagne va mériter son nom. Première difficulté : vaincre la végétation très dense qui ceinture les abords de la montagne. Eviter les secteurs marécageux, les troncs morts abattus par le vent, les épineux touffus, tout en gardant la bonne direction s’avère être tout un art qu’il nous faut apprivoiser. Puis la végétation s’éclaircit et la montée se fait régulière au milieu d’une flore très humide parfois spongieuse, même à flanc de montagne. Au bout de 500 mètres de dénivelée, le promontoire atteint nous offre une vue époustouflante sur l’énorme cascade de séracs du glacier Holanda et l’imposant cirque glaciaire du Monte Francés (2261 m). Tout semble ici disproportionné. Nos repères alpins habituels sont bousculés. La vue porte au-delà sur des sommets entièrement recouverts de grosses masses de glace plâtrées de neige. Le tout sous un soleil éclatant, dans un ciel sans nuage. On savoure… Pour fêter cette journée mémorable, le cook Francis nous offre la grappa du val d’Aoste au repas du soir.
Samedi 16 janvier : le capitaine propose une demi-journée bricolage sur le bateau afin d’installer entre autre le balcon arrière qui nous permettra de mieux embarquer sur l’annexe et une demi-journée de navigation qui nous amènera dans le brasero Pia, premier grand fjord conduisant aux proches abords de la Cordillère de Darwin.
Le long du canal, nous allons d’émerveillement en émerveillement. Partout, ce ne sont que glaciers qui dégringolent, offrant leurs barres de séracsen équilibre instable au-dessus du Beagle.
A l’entrée, nous sommes accueillis par un dauphin qui caracole un moment auprès du bateau et par un lobo marino fièrement perché sur son rocher. Bernard conduit la Cardinale au front des glaciers du fond du fjord. Le silence se fait, tout le monde est impressionné. Mouillage dans un havre de paix, la caletta Beaulieu. Nous sommes seuls au monde.
Chroniquesmontagnardes de la forêt patagonne (Luc et Francis)
Aujourd’hui, l’équipage de la Cardinale ( 6 personnes) passe en vrai mode montagne, à savoir que tout l’équipement est de sortie et envahit le carré dès le petit déjeuner terminé. Luc, notre guide de montagne vérifie tout et règle les crampons pour chacun. Comme nous sommes mouillés dans la Caleta Beaulieu, très loin de la zone où le glacier Sinus, au fond du Ventisquero Pia Est, tombe sur la plage, Francis a proposé de faire deux équipes. La premièreen randonnée glaciaire qui offrira une balade sur le glacier et un entrainement au cramponnage et autres joies de la glace, elle est composée de Jeanne, Bernard, Patrick Chedmail et Luc Robert. La deuxième, cordée des deux vieux compagnons (Hervé Croiset et Francis Brucelle) qui n’ont plus randonné ensemble depuis presque 40 ans partira à l’opposé vers un petit dôme de neige et un sommet répertorié sur nos vues Google map.
Les deux équipes resteront en liaison par VHF portable.
Récit de la cordée tout terrain, par Francis.
Avec Hervé, nous prenons le Kayak gonflable afin d’être autonomes pour la remontée à bord.
Après un premier chemin tracé (ce qui ici est exceptionnel) qui monte sec pendant 40 mn pour arriver sur un petit belvédère, il faut tracer à travers une combe humide puis ensuite c’est la jungle et une forêt primaire très dense et très pentue qu’il faut franchir sous des barres rocheuses. C’est très compliqué et l’on fait 100 m de dénivelé à l’heure sur des pentes extrêmement raides où nous nous hissons à l’aide d’arbustes. Après 1 heure acharnée, nous débouchons sur un espace plus libre pour grimper au milieu des mousses et des rochers.
C’est toujours très raide et de plus en plus raide. Après un petit casse-croûte, j’abandonne Hervé pour faire une belle pente de neige en crampons, ce qui m’amène sur une petite arête avec une vue splendide sur tout le canal Beagle.
Magnifique ! Mais le temps a commencé à se gâter et je redescends bien vite pour retrouver Hervé venu à ma rencontre. Dès le début de la descente, sur une plaque de mousse noire qui se décolle du rocher … Je chute et retombe lourdement… avec un bel œuf de pigeon à la hanche gauche et un autre au genou droit (diagnostic à bord). Nous décidons d’essayer un autre chemin que l’aller, c’est plus court mais la forêt semble plus dense encore. Nous étions prévenus, mais c’est vraiment compliqué et extrêmement fatiguant. Pour terminer nous partons du mauvais coté et après avoir aperçu juste sous nous la Cardinale, il fautcontourner encore des barres rocheuses dans une pente extrêmement raide. Nous finissons par arriver sur la plage, plus que fourbus. Il pleut et nous remontons à bord.
Les randonneurs glaciaires arrivent 10 mn après et un bon thé chaud réchauffe tout le monde avant un grand nettoyage et rangement du matériel de montagne. On se toilette un peu puis Jeanne nous gratifie d’un excellent boudin aux pommes et purée et cela requinque. Suivra le traditionnel désormais « 5000 » avec une bouteille de Mirabelle 1996 d’Hervé fabuleuse pour fêter notre première vraie journée de montagnards.
Inutile de préciser que chacun dormira comme un loir sous la pluie battante qui tambourine sur le pont de notre bonne Cardinale.
Récit de la cordée glaciaire, par Luc
« Canoë de l’annexe ! Canoë de l’annexe ! » Bernard lance son appel VHF à la vacation de 17 h à l’équipe Francis-Hervé.
« On vous reçoit bien !
» Nous avons fini la balade. Nous atteignons bientôt la plageet nous réembarquons. Et vous ?
» On est complètement paumés. On aperçoit la Cardinale, mais on est dans la jungle. C’est un peu la galère ! La première équipe qui arrive allume le poële et prépare de l’eau chaude. »
Là, on se regarde et on se dit qu’en face, ils n’ont pas eu une journée aussi sympa que la nôtre…
Ce matin, sitôt débarqués (25 minutes d’approche en annexe jusqu’à la plage tout de même), on s’équipe montagne et on file vers une langue de glace que j’(Luc) avais repérée, propice à la pratique d’une école de cramponnage en toute sécurité. Approche à travers des blocs morainiques un peu instables mais qui offre l’avantage de bien s’échauffer.
Un peu hésitants au début, avec leurs crampons, les marins trouvent rapidement leurs marques et trottent partout comme des chamois. Et c’est parti pour un long moment de balade sur le glacier, dans la bonne humeur et l’émerveillement permanent.
De retour aux sacs, rapide collation et départ pour une longue randonnée sur l’autre glacier adjacent, le « glacier noir » entièrement recouvert de détritus morainiques à tel point que les crampons s’avèrent inutiles. Montée régulière au milieu d’un chaos de blocs de toutes tailles. A l’endroit où le glacier bifurque, nous décidons de redescendre. Nous avons le temps d’entr’apercevoir l’insondable perspective offerte par le cœur de la Cordillère.
Retour à la Playa Del Sol.
Là, surprise : elle est couverte de blocs de gros glaçons abandonnés par la marée. Séance photos et délire.
Le spectacle de quatre personnes en tenue de montagne avec piolets au milieu de blocs de glace, sur une plage de sable fin a quelque chose de surréaliste.
Fin de journée sur une note de Mirabelle distillée par le père d’Hervé.
Fin du récit écrit à bord mais publié à Puerto Williams, au Micalvi au cours d’une longue journée d’essais et d’attente de wifi… sans vrai succès pour les photos. A suivre…
Et la Cardinale guillerette continuera la route dès demain pour retrouver d’autres glaciers et d’autres pistes à découvrir ainsi que d’autres récits à vous offrir.
Avec elle, son skipper et tout l’équipage, La Plum qui vous embrasse,
Saison II : News 3. LA CARDINALE VA PASSER EN MODE MONTAGNE
Jeanne de Ravignan| 07 jan 2016| 1 comment
La Cardinale va passer en mode montage.
Un avant-goût de la prochaine ballade : préambule écrit par Francis Brucelle en a eu l’idée et qui a lancé un projet que les marins ont attrapé au vol. Des crampons à bord de La Cardinale et des bout’ qu’on appellera des cordes ! Et moi qui croyais qu’à bord, il n’y avait de corde que celle de la cloche…!
Voilà ce qui va se passer en ce début 2016.
La Cardinale se fait une toilette digne de l’équipage de montagnards qu’elle recevra: fardée de jaune d’or et cire d’abeille, elle dresse les couettes et remplit coffres et équipets pour les accueillir au mieux ; la gazolinière fonctionne, le chauffage ronronne, tout sera prêt pour leur arrivée… (« J’espère ! » dit le capitaine qui m’entend lui lire ce préambule…)
La Plum laisse la parole à Francis.
C’était en Octobre 2015, Transat sur la Cardinale, après-midi tranquille peu avant le passage de l’Equateur, équipage à la sieste, Jeanne en bronzette sur le pont avant.
Francis propose à Bernard un projet pour la saison 2016 : aller faire de la randonnée glaciaire sur la cordillère de Darwin.
Bernard est aussitôt enthousiasmé, reste à rassembler un petit groupe autour de Luc, alpiniste chevronné qui, depuis 5 ans, emmène Francis saluer les nuages dans le massif des Ecrins, en Suisse ou en Italie.
Au printemps, le groupe est constitué et Francis demande à Bernard de rencontrer successivement Luc Robert et sa femme Nadine, Hervé Croiset puis Patrick et Françoise Chedmail. Les affinités se confirment, la mayonnaise convivialité/amitié monte doucement dans lebol mer/montagne.
Après des soirées préparatrices, gustatives et chansonnées, il est convenu d’un week-end dans les Alpes lequel se déroulera à Nantes sous la houlette très professionnelle de Luc qui orchestreratoutes les manœuvres de base, le maniement des cordes et des exercices de sécurité, l’élémentaire à découvrir pour se familiariser avec le matériel de grimpe.
Sur le site de PONT-CAFINO, Bernard, Jeanne, Patrick encadrés par Luc (Hervé n’ayant pu se déplacer pour raisons professionnelles) découvrent les basiques de l’escalade tandis que Francis révise ses classiques (lorsque les équipiers s’entrainent.) Les marins s’appliquent et découvrent avec un plaisir nouveau toute la technicité de cette activité.
Bernard et Jeanne, en sportifs accomplis (humm…) sont tout de suite à l’aise avec l’exercice et le plaisir est au rendez vous. ( oui, bien vu !)
C’est aussi l’occasion de commencer à rassembler le matériel et de prévoir l’ensemble de l’expédition autour de repas gastronomiques concoctés par Jeanne, Francis et Françoise l’épouse de Patrick. Depuis, Luc et Patrick sont restés en contact pour rassemblerl’ensemble du matos (cf photo du sac de montagne N°1) qui devrait tenir dans deux grands sacs.
La région n’est pas cartographiée, (du moins officiellement ou les cartes sont introuvables) et donc la préparation se poursuit à coup de vues Google Earth et de tracés prévisionnels imaginés par Patrick sur les pentes.
A quelques jours du départ de nos quatre marins montagnards, tout semble réunipour rejoindre la Cardinale et rêver de poser ses crampons sur un petit sommet ou personne ou en tout cas très peu de gens sont allés avant eux.
A suivre bientôt sur le blog d’Objectifgrandsud.com
Saison II. News 2: La Cardinale est Caphornière!
Jeanne de Ravignan| 15 déc 2015| 0 comments
La Cardinale est Caphornière. Le premier équipage de la saison II s’est régalé!
Toutes les saisons ont défilé, des frimas glacés aux caresses d’un soleil printanier! Et un mois de novembre austral traversé par ses familiers williwaws, puis l’absence totale de vents pour laisser les glaciers se mirer dans une eau limpide et calme. Des images en réel et en grand écran! Et à bord de La Cardinale… Et bien ils ont tout dit, tout écrit et c’est là…
Ecrit par Luc Beaupérin et validé par tout l’équipage. Les photos de chacun d’eux.
« Sous le soleil et le sourire de Bernard, nous arrivons à Ushuaïa le 7 novembre à 17 h.
Patrick, arrivé la veille, a déjà oublié les 13000 kms qui le séparent de Hoëdic.
Monique et Philippe étaient dans le même avion que moi mais aucun de nous trois n’a été assez perspicace pour se reconnaître parmi la cinquantaine de passagers. Peu importe, nous avons trois semaines pour nous regarder dans le blanc des yeux, quatre heures d’avion supplémentaires ne s’imposaient pas pour faire connaissance.
Direction le ponton.
Soirée, dans une taverne du coin, d’accueil pour nous et d’adieux pour Jeanne et Laurent Armenaud qui devaient nous quitter le lendemain. Premier contact avec la viande argentine; les bidochards ont apprécié.
L’équipage est donc au complet : Bernard de Ravignan, notre capitaine, Monique et Philippe Boënnec, Patrick Tesson et Luc Beaupérin.
Après une nuit au ponton, courses et formalités douanières, nous partons, en début d’après-midi vers Puerto Williams (Chili) a 25 millesd’Ushuaïa.
Premiers bords sous voile, sous le soleil; le canal de Beagle s’ouvre largement devant nous, sur une eau calme et quelques nœuds de vent, entouré de chaînes montagneuses enneigées; c’est déjà la paix absolue mais les 50 emes ne rugissent pas encore. Nous dépassons le phare des éclaireurs, copie conforme du phare des cardinaux, à cette différence près que les phoques d’Hoëdic sont plus discrets et les cormorans n’ont pas le ventre blanc comme ici.
Nous terminons au moteur faute de vent.
Mouillage sur la tonne à Puerto Williams, le « port » étant saturé. Ce port n’est en fait qu’un fond de petite baie, au fond de laquelle un vieux bateau échoué, « Le Micalvi », constitue le seul ponton, et qui peut accueillir une vingtaine de bateaux. L’ambiance est néanmoins très conviviale entre bateaux charter.
Franck Camas, sur le bateau voisin, prépare un spot pub pour les lunettes « Julbo » : le cap Horn sur un petit cata de 6 mètres.
Le passage par Puerto Williams est uniquement motivé par les nécessités douanières : la navigation dans les canaux étanten territoire chilien il faut y passer pour effectuer ces formalités et reprendre le canal de Beagle vers Ushuaïa pour continuer la route vers le soleil couchant.
Départ 10 novembre, pour 50 milles , plein ouest au moteur et vent debout, vers la caletaOlla. Petite crique sublime après l’île du Diable.
Le temps est superbe, nous mouillons devant la plage; deux petits bateaux de pêche sont amarrés aux rochers. Nous allons saluer les pêcheurs qui se proposent immédiatement de venir à notre bord.
Une heure plus tard Manuel Vergarra débarque avec plusieurs centollons, crabes rouges aux pattes épineuses.
Manuel, qui n’avait dû croiser ni savon ni shampoing depuis 5 mois, se fait servir un Malbec.
Une sympathie d’hommes égarés, d’autant plus franche que nous la savions éphémère, s’installe rapidement.
Manuel réussi à négocier une bouteille de Malbec, puis une deuxième puis une troisième.
Il revient, reconnaissant, avec deux crabes, du modèle supérieur (centollas– King crabs) deux morceaux de vache sauvage et de lobo marino, (Lion de mer, phoque de la région).
Le tout fumé par ses soins dans un baraquement de fortune au bord de l’eau.
L’odeur du lion de mer fumé a fait reculer tout le monde, mais plusieurs se sont essayés à goûter.
À goûter seulement, Les mouettes se sont chargées du reste.
Philippe, auto-proclamé médecin du monde, en profite pour installer son hôpital de campagne, et soigner un tennis-elbow et une éventration; Manuel, son ordonnance et ses médicaments nous quittent et tout ira mieux le lendemain. Philippe, innocent citoyen du monde, ne doute pas un instant de l’efficacité de son ordonnance dans les pharmacies chiliennes; il dormira tranquille comme Manuel.
Le 11 novembre, respectueux du calendrier français, et de la météo boudeuse, nous restons dans cette petite baie; nous tentons une incursion dans la forêt primaire qui longe la plage, mais après quelques mètres nous n’avançons plus, la végétationest trop dense. Le long du canal de Beagle une vaste zone sans arbre s’étend sur plusieurs centaines de mètres. Nous pouvons y marcher. Cette zone est très marécageuse, mais praticable.
Le lendemain 12 novembre départ à 5 heures du matin vers l’ouest toujours; vent soutenu et debout, donc on continue au moteur pour se diriger vers le ventisquero (glacier) Holanda et mouillage dans la caleta Beaulieu.
Le Beagle et la Caleta Olla nous avaient déjà habitué à un décor somptueux mais l’arrivée devant le glacier et la Caleta Beaulieu dépasse en majesté ce que nous avions déjà pu voir depuis trois jours. Une petite marche dans la montagne pour admirer de haut la Cardinale. La forêt est très dense mais un petit chemin nous permet de monter un peu.
Et nous partons le 13 au matin vers le glacier de la Seno Pia par le bras nord ouest du Beagle.
Les williwaws (ou rachas) se lèvent brutalement et par rafales. Nous traversons une zone de growlers, le glacier dont la couleur passe du bleu au blanc en fonction de la lumière et des nuages, se lève devant nous dans un décor impressionnant de nuances douces et de craquements sourds.
À tribord et jusqu’au canal Thomson, nous longeons la cordillère Darwin, massive chaîne de montagnes traversée pour la première fois en 2010, après une première tentative avortée.
Nous approchons, en silence, et doucement.
Le spectacle est saisissant, des blocs de glace se détachent dans un bruit sourd de chute de rochers. Les nuages masquent momentanément la montagne, donnant une impressionde spectacle vivant. Demi tour et direction Caleta Sur, crique apparemment très abritée, au formes engageantes. Le mouillage s’avère incertain, le vent nous rapproche trop près du rivage et nous devons rependre deux fois.
Patrick se défoule sur les pâtesà tarte : quiche au thon, tarte aux pommes.
Le pain, préparé par Patrick, de jour en jour devient meilleur.Encore une splendide caleta ! Nous croisons quelques dauphins, deux condors planent au dessus des crêtes.
Le soir nos voisins viennent prendre l’apéro qui s’éternise bien sûr avec Pisco, vin rouge et bas armagnac. Et il fait toujours 28 degrés dans le carré ! Nos invités ont du mal à quitter le bord : leur capitaine, moins prévoyant que le notre, n’a pas installé de chauffage; il fait 5 degrés chez eux.
Nous ignorons qu’au même moment à Paris l’humeur n’est pas à la fête.
Nous ne l’apprendrons que plus tard.
Le 14 novembre debout à 8 heures, direction caleta Garibaldi a 20 milles; petite navigation agréable sur le Beagle, très large à cet endroit. Les perspectives et les paysages alentours sont époustouflants et franchement grandioses.
Très beau glacier au fond du Garibaldi. Bernard coupe le moteur à quelques mètres du mur de glace : les yeux ne savent plus où donner de la tête !
Le silence s’installe devant ce spectacle saisissant d’eau de pierre et de feu.
Nous restons là quelques instants à goûter le silence à peine perturbé par les craquements du glacier.
À regret nous faisons demi-tour et fixons notre mouillage en face du glacier et à l’abri de l’île Pirincho. Descente à terre sur l’île, les panoramas et la vue sur le glacier sont superbes.
Les instincts primitifs de survie (et réflexes scouts) de Bernard et Luc illuminent rapidement la petite plage : malgré l’humidité du bois le feu est allumé et démarre péniblement; nous passons un moment dans ce coin de bout du monde, entourés d’eau, de glace, de montagne, de silence et de vent, a regarder les flammes. Tout naturellement quelques chants scouts viennent craqueler l’univers de silence.
Il neige un peu le soir.
Le bateau se plante légèrement dans la vase à marée basse nous assurant une confortable stabilité.
Comme tous les soirs, Monique, la chérie de Philippe, qui devient prudemment « son amour » lorsqu’il faut désamorcer un début de tension, nous assure un repas étudié, chaud et délicat. Copieusement félicitée, Monique, craignant que s’éternisent les compliments, se retrouve à la vaisselle avant même le fromage terminé. Nous apprendrons quelques repas plus tard que ce n’est pas la perspective des compliments qui la met mal à l’aise, mais, de son propre aveu, les épines qu’elle a dans les fesses !
Dimanche 15 novembre, levés à une heure raisonnable, nous quittons Garibaldi, reprenons le Brazo Noroestedu Beagle vers le Seno Ventisquero. Nous sommes dans le pacifique, laissons le canal Pomar sur bâbord et allons jusqu’au fond du Seno Ventisquero.
Sur la carte nous distinguons un petit morceau de crique, mais si discret qu’il n’est pas nommé. Existe t il vraiment ? Nous approchons et la surprise est à la mesure de la discrétion du lieu: nous l’appellerons donc Monique ! La caleta Monique !
Le vent est très variable et les températures assez basses : environ quatre degrés et un vent froid.
Un peu de neige. Après avoir navigué au milieu des growlersnousaboutissons dans un cirque verrouillé par un glacier. Des nombreux autres glaciers surplombent le cirque.
Soirée un peu arrosée pour fêter les 29 ans de mariage de Patrick qui frémissait de bonheur, depuis l’arrivée à Ushuaia, à l’idée de fêter cet événement dans un univers de rêve, « comme l’a été le jour de mon mariage » nous avouait-il depuis plusieurs jours ! (Et comme l’ont été ses 29 années de vie conjugale).
Devant tant d’émotion seul un Bas-Armagnac, unRavignan, a réussi à sécher nos larmes.
Lundi 16 novembre,
Temps très calme pendant la nuit, lever 6 heures.
Nous laissons le canal Pomar à tribord, pour embouquer le canal Thomson, vers Coloane. Tentative d’envoi des voiles, mais le vent trop instable ou trop faible nous contraint à remettre le moteur.
Patrick, encore ému par la soirée d’hier, tient absolument à marquer à nouveau cet événement en entonnant quelques hymnes du répertoire de nos plus grands chanteurs romantiques classiques.
La mémoire et la sensibilité artistiques de ce marin sont aussi stupéfiantes que les paysages qui nous entourent.
Ces moments de proximité avec ce que la culture musicale à de plus délicat, permet à Bernard de procéder calmement et scientifiquement a un prélèvement de plancton dans le but avoué de sauver la planète. Ainsi que d’apporter notre contribution à « Plankton Planet ». Pierre-Jean recevra ces échantillons à temps pour l’inauguration de la Cop 21.
Autant dire que nous ne devrions pas vivre de tels instants de perfection avant de longues années.
Nous nous dirigeons vers le pacifique; le vent forcit un peu et nous renvoyons les voiles.
Le canal Thomson offre une vaste surface de navigation et ouvre sur le pacifique que nous apercevons déjà devant nous.
Il fait 20 degrés !
La houle de mer nous confirme que l’océan est tout proche.
Depuis le départ la surface des eaux est parfaitement plane et il est curieux de constater que la perception de cette houle et les mouvements du bateau, agissent sur nous comme le ferait une odeur familière, tellement nous sommes habitués à les ressentir sous nos latitudes. Nous ne sommes plus en pays inconnu.
Nous restons trois heures sous voiles, jusqu’à l’entrée du Beaglesud ouest. Le Beagle se rétrécit, le vent est perturbé, nous affalons. Tirer des bords serait fastidieux.
La caleta Coloane est toute proche, nous prenons le canal qui y mène. Au fond du canal la côte se resserre de chaque côté comme une accueillante entrée de port, et deux caletas, une à droite une à gauche, nous offrent un abri.
Bernard, qui connaît les lieux, choisit celle de gauche, derrière une île minuscule, au pied de la falaise à trois mètres du bord où il y a encore 10 mètres d’eau.
Nous avons connu la paix dans les précédentes caletas mais ce soir on se rapproche très franchement du bout du monde. La vie y est rare, le silence parfait dans un décor d’île des Caraïbes.
Nous descendons faire une marche dans la forêt mais celle-ci se révèle très vite inextricable, nous faisons demi-tour pour aller accoster, avec l’annexe, au pied du glacier.
Une heure de marche pour approcher la glace sur laquelle il ne serait pas prudent de s’aventurer.
La perspective est exceptionnelle, tout semble neuf, aucune trace de vie humaine ou animale, à l’exception des deux canards à tête rouge qui somnolent a l’abri des rochers.
Le mardi 17 nous restons dans ce coin de paradis. Il a neigé abondamment pendant la nuit, la forêt est devenue blanche et le thermomètre affiche 1 degré.
Journée repos en attendant la dépression.
Le petit déjeuner s’éternise. La discussion est plutôt littéraire ce matin, contrairement aux autres repas ou les sujets abordés devenaient plutôt philosophiques, dès que Patrick apercevait le fond de la bouteille, ou politiques lorsquePhilippe avait terminé son cours de médecine quotidien.
Patrick ce matin en profite, à la satisfaction de tous, pour se laver de fond en comble (avec mon gant de toilette).
Les soucis du bord deviennent de plus en plus préoccupants : quiche au thon ou au jambon pour ce soir ? Pour ne pas aviver la tension nous laissons Monique-ma-Chérie et Patrick régler la question.
Les stocks sont encore abondants mais, les conditions climatiques pouvant s’aggraver, on fait tout de même les comptes : comme les Alakalufs, ou plutôt les Yagans, on envisage le moment où il faudra bouffer les vieux. Bernard arrive en haut du tableau mais c’est le capitaine. Pas touche !
Monique ? Non pas tout de suite, les bons morceaux pour la fin.
Patrick est donc en bonne position, on dégraissera le bouillon mais la quantité sera là; Philippe et Luc peuvent dormir tranquilles on tiendra facilement encore quinze jours à quatre sur la bête.
La journée se déroule paisiblement, la pluie et la neige nous empêchent de mettre le nez dehors, Philippe peut assurer ses consultations : petit œdème oculaire et douleur à l’orteil chez Monique-ma-chérie, pilule pour pouvoir boire un peu plus et plus longtemps sans avoir mal pour Patrick, biafine pour Luc.
Bernard préoccupé par ses responsabilités de capitaine n’a pas le temps d’avoir mal quelque part.
J’oubliais le pain ! Depuis quelques jours nous avons un pain frais tous les matins. L’orchestre est dirigé par Patrick, qui se charge du pâton, et les secondes mains pétrissent chacun leur tour.
Sauf Bernardpréoccupé par ses responsabilités de capitaine !
Et Monique-ma-chérie qui n’est pas pétrisseuse pour un sou.
Neige et pluie toute la journée.
Bernard serait bien sorti pour annexer l’îlot devant le bateau et y planter un pavillon, mais visiblement son ardeur guerrière, colonialiste ou missionnaire, ne vaut même pas un centième de mille sous la neige ! Les
Tehuelches, seraient encore en vie s’il avait découvert la Patagonie.
Finalement l’heure de l’apéro et du repas arrive assez vite.
Soirée cinéma offerte par la compagnie.
Darwin et les commanders version courte.
Mercredi 18 novembre
Départ sans précipitation à 10 heures environ.
Beaucoup de neige cette nuit, et 2 degrés ce matin.
Direction estero Fouqué a trois heures de navigation.
Tout à blanchi pendant la nuit, l’estero Fouqué est très long : 7 milles.
Après le repas, Monique-ma-chérie, remue, à la trompette, les mâles assoupis qui seraient bien restés au chaud.
Patrick, dont l’amaigrissement devient alarmant (son bracelet de montre devient lâche), va rester au chaud pour éviter une trop brusque métamorphose.
Au dessus de notre mouillage, caleta Nutria, nous partons pour une petite heure de marche sur la neige et la mousse profonde et pleine d’eau.
Aucun centimètre carré ici n’est sec, l’eau est partout; les arbres ressemblent à de petits bonzaïs, des monticules mousseux poussent sur le sommets des rochers, comme de petites barbiches, les cascades tombent de tous les côtés, et, quand ils ne sont pas dans l’eau, les pieds s’enfoncent dans la mousse ou dans une herbe humide et très épaisse.
Sans chaussures étanches et à semelles bien cramponnées la marche devient vite pénible et impossible.
Avant notre mouillage nous passons devant le dernier glacier de notre périple. Moins haut que les autres, mais aux formes sculptées et ajourées, le glacier offre une belle variation de bleus et de lumière. Le bateau ralenti pour un petit moment de nouvelle émotion.
Jeudi 19 novembre
Départ pour Puerto Navarino. Nous reprenons le canal de Beagle vers l’est après avoir quitté le Fouqué.
Début de journée au moteur, voile dans le canal de Beagle, Quelques rafales à 40 nœuds. Arrivée à 20 heures.
Puerto Navarino se situe juste en face Ushuaïa. Ce n’est qu’un groupe de quelques maisons à usage exclusivement militaire. Il n’y a pas de ponton.
Vendredi 20 novembre
Retour à Puerto William,
Alain (Briand) et son fils Kevin nous rejoignent.
Douches, fuel, courses.
Samedi 21 novembre
Matinée calme, animée par les 62 ans de la fondation de Puerto Williams, fanfare, parade militaire, allocutions des autorités militaires, civiles et ecclésiastiques.
Et enfin départ pour le sud.
Puerto Toro, village le plus septentrional du globe, sera la première étape; nous quittons donc Puerto Williams et partons vers l’Est accompagné de Podorange, bateau charter de 21 mètres accompagnant une douzaine de personnes en Antarctique.
Vent timide. Arrivée vers 20 h30.
Petit « port » généreusement équipé d’un ponton; trois bateaux de pêche sont amarrés, gorgés de centollons. Nous nous mettons a couple et, connaissant le tarif, troquons une bouteille de rouge contre un seau de centollons.
Le pêcheur, interrogé, nous informe qu’il ne bouge pas de la nuit. Mais les journées des pêcheurs commencent tôt, c’est donc à 5 h le lendemain qu’il met son moteur en route; nous partons donc à 5 heures.
Dimanche 22 novembre
Départ5 h en direction de la caleta Martial sur l’île Herschel, à 15 milles du Horn.
Nous passons le Paso Gorée, entre l’île Navarino et l’île Lennox, avant d’entrer dans la baie Nassau ou très vite le vent s’établi en moyenne à 30/35 nœuds (vent vrai). Mais plein sud, donc en plein dans le nez.
Nous mettons 12 heures à parcourir 45 milles sur une mer assez dure.
Il nous faudra 3 heures pour faire les derniers 3 milles.
Avec les rafales à 40, (une de 46 vent apparent), une mer très formée et une température de quatre degrés, rapidement l’ambiance devient sportive et humide.
On se met à regretter la quiétude des « Seno » et des caletas du Beagle. Mais c’est sans doute le prix à payer pour aller au caillou.
Monique-ma-chérie, vire au vert, rêve aux bocages vendéens de Saint André Goule d’Oie, et à la douceur pornicaise, mais Philippe veille, installe sa sirène à bâbord et l’hydrate copieusement.
Patrick dort, affalé dans le carré, rêvant sans doute de Partagas D4.
Bernard, assume ses obligations de capitaine à la barre. Luc reste dehors pour éviter de subir le même sort que Monique.
Nous approchons des cinquantièmes hurlants.
Un peu humides, frigorifiés et affamés nous arrivons à 17 h, caleta Martial.
Normalement le vent forcit demain et pendant toute la semaine.
La décision de Bernard est sans appel : nous ne verrons pas le Horn qui n’est pourtant qu’à quelques milles !
Amère déception pour les uns, soulagement pour les autres (enfin plutôt pour une autre !) après cette journée difficile.
Nous nous séchons un peu assommés.
Lundi 23 novembre
Point météo .
Les prévisions des fichiers Gribde la veille étaient pessimistes; celles de ce matin permettent, malgré les réticences voilées de Monique, un départ vers le Horn, situé à moins de 15 milles.
Le vent, stable entre 15 et 20 nœuds, nous permet de faire le tour de l’île du nord au sud;
La houle du pacifique est impressionnante. Nous longeons de très prèsles falaises.
Et passons le Horn d’Ouest en Est vers 15 heures en profitant d’un temps idéal.
Cette petite île, à la silhouette familière, mais sans intérêt particulier, apourtant subitement imposé le silence sur le bateau. Chacun avouera son émotion, mêlée d’une certaine crainte, la météo est assez versatile ici, mais surtout un immense bonheur devant ce petit morceau de mythe.
Comme de grands enfants, il nous est impossible de ne pas revivre à ce moment les innombrables récits de découverte, de conquêtes ou de courses, de caravelles, de trois mâtsou de 60 pieds.
Ce cap, synonyme de tempête, de souffrance de marins, de naufrage, de froid et de mort, est surtout le symbole de l’ignorance des limites du globe et de l’obsession de certains hommes de comprendre, de prouver et de découvrir.
L’expédition de Magellan a été une des plus incertaine et des plus téméraire de l’histoire. Même s’il n’a jamais passé le cap, puisqu’il est passé dans le pacifique par le détroit qui porte son nom, on peut difficilement l’oublier à cette extrémité du continent américain. Le passage s’effectue doucement, la houle s’apaise, et chacun reprend son souffle, la vie reprend sur le bateau. Patrick, le musicien du bord, a certainement pensé à ce moment, à entonner « Le Pendu », mais il a finalement renoncé. L’émotion doit être si forte qu’elle inhibe les plus grands talents.
Bernard envisage d’accoster avec l’annexe mais le vent de nord-est l’en dissuade. Heureux nous rentrons à la caleta Martial.
Mardi 24 novembre
Retour à Puerto Toro. De nombreux bateaux (4) se mettent à couple. Nous renouvelons notre marchandage de centollons, que nous décortiquons en famille. Les 4 kilos de chair feront plusieurs apéro et repas. Balades dans les environs. Repos.
Mercredi 25
Départ 9h pour une traversée tranquille jusqu’à Puerto Williams, Arrivée 16 h. Puerto Williams
Soirée de clôture chez Patty; cette accorte chilienne connue de tous les marins pour son accueil chaleureux et sa table accueillante, entonne avec nous et sous la direction de Patrick les mélodies que son son anniversaire de mariage lui a inspirées. Décidément cet événement ne laisse pas insensible ce gaillard au cœur d’enfant.
Bernard doit être maîtrisé pour ne pas finir debout sur les tables !
Jeudi 26 novembre
Relâche à Puerto Williams,
Emplettes sous un soleil breton.
Balades dans les bois environnants.
Philippe doit plusieurs heures de marche à Monique-ma-Chérie; chaque jour de mer effectuée par Monique est en effet facturée à Philippe par une heure de marche.
Les voilà donc partis régler leurs comptes dans la montagne patagone.
Vendredi 27 novembre. Retour à Ushuaia
« Il attendait que le temps reprît en mains ses aiguilles et rendit aux instants dispersés leur ordre et leur progression en colonnes de fourmis; ce crépuscule qui durait dans une immobilité qui ne cessait de s’évanouir tenait le jardin dans un filet de rêve où se débattaient, captives les secondes-papillons. Le Temps avait perdu la mémoire. Il vit alors que le parc, l’eau et le ciel, loin de s’assombrir, commençaient à s’éclairer et que la lumière revenait dans un mépris souriant des lois, un capricieux refus d’obéissance; le soleil lui-même se soumettait à cette frivolité féminine comme un amant soucieux de plaire. Le ciel, les eaux assoupies, la frontière confuse et sombre de l’autre rive s’unissaient dans une rose et légère complicité de Boucher, d’escargot et de balançoires, et, devant cette fin de la rigueur, dans le désordre qu’il partageait avec un empressement indigne de son rang, le soleil cessait d’être César pour devenir Arlequin. L’ambassadeur comprit alors, dans ce retour à lui-même commandé par la montée des lumières, que la nuit avait déjà eut lieu et que cette durée crépusculaire avait été une longue rêverie à demi éveillée. » Quelques lignes de Romain Gary qui expriment parfaitement cette longue rêverie durant laquelle « Le Temps avait perdu la mémoire »
Et puisqu’un jour nous la perdrons nous aussi la mémoire, ces trois semaines, hors du temps et de notre espace habituel, baignées de nature pure, de douceur et de violence, d’insouciance et d’amitié, loin des préoccupations et de la colère des hommes, nous laisserons, non des souvenirs, mais une profonde cicatrice de bonheur.
Et remercions sincèrement et chaleureusement Bernard qui a, pour nous, inventé ces moments rares.
A bientôt pour un nouveau départ ensemble et vers d’autres destinations sur la Cardinale. »
Voilà, avec cet équipage, la Cardinale a salué le Cabo de Hornos. Et bien salué. Respect.
Aujourd’hui, elle accueille un nouvel équipage qui à bord chantera de « bon choeur » « Il est né le divin enfant! «
Puisque Noël s’en vient… A chacun, un grand abrazo de La Plum’
Saison II: News n°1. La Cardinale à Puerto Williams
Jeanne de Ravignan| 04 nov 2015| 4 comments
La Cardinale à Puerto Williams
Beaucoup de neige cette année sur le Beagle.
Couverts d’un épais manteau blanc, les voiliers serrés les uns contre les autres semblent se tenir en rang comme des écoliers sages et en uniforme.
Mais aujourd’hui (22 octobre 2015), c’est le Printemps! Tout contre le Micalvi, les bateaux se réveillent de la longue torpeur de l’hiver austral. Il fait beau et le ciel est dégagé de tout nuage, un petit vent d’Est frais stimule les ardeurs.
Les bleus de travail se croisent, outils à la main, les équipages s’activent chacun chez soi à bricoler… Bricoler… Doux vocable pour dire la vaillance et l’acharnement et l’ingéniosité à mobiliser pour venir à bout d’une panne ou d’une restauration sur un bateau. Rien n’est d’équerre… Cela travaille… Une ponceuse vibre avec grande vigueur, c’est celle d’Eric, qui restaure et protège les hublots de son Vaihere. Les moteurs et les pompes se relaient… On cogne là-bas au loin, on tape, on répare. A bord de Cachuera, la machine à coudre est de sortie. Jacky et Juliette testent aussi le nouveau groupe électrogène.
Le container doit arriver avec son lourd chargement prévu pour plusieurs voiliers. Chacun attend du matériel précieux pour continuer l’aventure du Grand Sud. S’il faut transporter l’ancre et la chaîne de La Cardinale (350kg) c’est l’amitié qui reprend le quart et les disponibilités se rejoignent. Le kit Plankton est bien arrivé et sera opérationnel sur plusieurs bateaux.
Ces jours-ci, c’est le silence qui règne en maître, un silence pur, immense, magistral, qui interpèle… Presque oppressant parfois… Surprenant toujours… Que se passe-t-il?
Il n’y pas de vent…! Voilà ce qui surprend!
Même lorsque le cri strident d’un couple d’ibis vient à intervalles réguliers percer le silence ambiant, celui-ci est bien là. Il questionne, on se regarde, on se le dit… on s’étonne. Puis les bruits familiers reprennent avec les activités de chacun.
Sur la Cardinale, le trio de réarmement à fort à faire, Laurent Armenaud est venu nous aider pour trois semaines et sa présence est aussi efficace, qu’ingénieuse et agréable. « Cela avance bien » dit Benny. Il faut assurer la bonne révision du moteur, le changement des filtres à gas-oil, la pose d’un clapet anti-retour aussi pour le groupe électrogène, la vérification des pompes. Il faut aussi s’arc-bouter pour les vidanges multiples, le nettoyage des fonds, et derechef, avec un air entendu, se concentrer sur le fond de la cale où poser délicatement le nectar des grands jours. La cave du bord mérite qu’on lui accorde une attention particulière. ( Francis-The-Cook, n’aie crainte, « elles » sont là, enchemisées de sûr et elles t’attendent!).
Les équipets sont vidés, séchés, les vivres répertoriées et rangées.
Là-haut étalée, toute la literie est aérée, tout le linge sèche au vent, s’imprègnant de la fraîcheur ensoleillée, senteur vraie des Dientes ( massif montagneux) de Navarino… Qui dit mieux?
Puis, c’est le tour des voiles d’avant, grand génois et trinquette, d’être hissées et rodées dans leurs enrouleurs respectifs. La Cardinale s’ébroue d’aise en imaginant qu’une sortie est prévue… Un bon courant d’air circule et sèche tout l’intérieur. Laurent grimpe au mât pour assurer la bonne circulation des drisses et avec Benny, vérifie les prises de ris et tous deux hissent les deux grand’voiles, protégées par des lazy-jack aux fermetures bien assurées.
Il y aura aussi le chauffage à nettoyer, le poële Reflex au gasoil dans le carré ainsi qu’une vérification des plaques chauffantes InfraTherm. Puis encore les tâches de rouille à traquer et un hublot dans le cockpit à déposer et complètement en refaire l’étanchéité.
Les habitués de la Cardinale doivent attendre le petit couplet de la gasolinière… Je l’ai gardé pour la faim… Si je puis ainsi le dire… La cuisinière Wallas a été révisée de très près… j’ai vu deux hommes à genoux, encore une fois, l’un avec un chiffon bleu de chirurgien et les instruments alignés, posés près de lui, l’autre avec la notice reçue par mail et l’étalage des pièces à changer… Tout était « nickel ». Remontée avec soin, remise à poste…
La plaque du haut fonctionne! Op joie!
Cependant, le four donnait une cuisson lente et moléculaire de grand chef! Ce qui était prévu pour le déjeuner pouvait être cuit pour le dîner! »Mémère, tu vas pas nous faire un caprice! » J’ai un tout petit peu édulcoré l’interjection d’un Laurent, spécialiste ès mécanique, ès gazolinière qui était un tout petit peu exaspéré. Benny prenait la défense de La Bête en arguant qu’elle avait souffert d’une vague scélérate, qu’il lui avait racheté toutes les pièces maîtresses, qu’elle avait droit à une seconde vie…etc. Quant à moi, mettant de côté une mauvaise fois mal retenue, je lisais tout haut des recettes de cakes aux fruits confits… Et j’en laissais voir les ingrédients comme pour stimuler les ardeurs. De fait les ardeurs étaient là! De celles qui mobilisent chacun mentalement, physiquement. Et puis, elle a marché! … « Elle a eût marché… » Juste le temps d’y croire et de faire un bon dîner arrosé d’un Malbec du Coq en Pâte, avec un gâteau cuit au four … si si… Lui aussi a fonctionné… Et puis la panne du lendemain alors que l’équipage s’apprêtait à aller visiter le musée des Yaggans à Puerto Williams… Depuis, c’est encore à genoux que je les ai retrouvés tous les deux, Benny et Laurent, ayant rouvert la Bête pour la mieux ausculter!
Et voilà… Voilà c’est malin! Voilà l’hiver austral revenu… Il neige à l’horizontale quand les « rachas » déboulent sur nous de la montagne. 0°c sous le roof. La journée de neige et de vent perd sa lumière. Il est 19h. Depuis hier soir, les esprits cogitent…
Elle doit marcher! Elle? Qui? Dame Wallas! Je prie mes chers lecteurs de remarquer la nouvelle formule plus respectueuse… Pourvu que cela marche… Puis une idée lumineuse s’en vient, celle de vérifier le modèle livré avec les notices reçues… De fait, le numéro de série ne correspond pas! Illico presto prestissimo, et avec une manipulation fébrile, les mains expertes « shuntent » (relier) deux pins de la carte électronique.
Yes! Yes! Triple Yes! Tout est réparé et la cuisine peut à nouveau exhaler des saveurs, des senteurs et réjouir les papilles!
Sachez, Ô lecteurs aimables à nos romances, combien est grande la joie de partager un bon dîner chaud, tout l’équipage réuni autour d’un fameux ragoût, trinquant joyeux à la journée passée à bord! Ce soir-là, soir de Tous les Saints, un exceptionnel Montgravier ( merci Francis!) a été exhumé de la cave pour fêter l’événement et on a chanté, dansé et ri de bon cœur! Alors, vraiment, un grand merci aux acharnés, ceux qui veulent que cela marche et qui ne lâchent pas leur projet!
Dehors, cela souffle dur!
Ici…Quand le vent souffle, il souffle fort et il y a une sorte de jouissance à l’avoir pris de vitesse en ayant réalisé son job à temps!
C’est ce qui se passe depuis trois jours: le vent s’est levé aussi soudain que violent et les haubans tapent et sifflent au rythme des rafales. La neige a recouvert tous les bateaux. Passer d’un bateau à l’autre devient périlleux… le terme est un peu fort mais tout de même cela exige une grande précaution car les vents déboulent en furieux et surprennent qui ne se tient pas solidement aux haubans glacés.
La Cardinale bien arrimée au milieu des autres voiliers se cabre et tire sur ses amarres mais le lieu est sûr. Puerto Williams offre un bon abri contre les vents catabatiques qui descendent de la montagne.
Nous n’avons pas quitté le port et avons bien apprécié le lieu, sûr, confortable et amical. De belles rencontres encore, de tous ceux qui ont aprivoisé le site, et il est bien plaisant d’accueillir à bord Denis Chevallay, venu spontanément offrir de bonnes herbes fines et du persil de son jardin et un peu de son temps pour raconter l’île Navarino et ses habitants.
Tout contre le Micalvi, nous avons aussi la chance de profiter de sa chaleur et de son accueil pour nous installer dans des fauteuils confortables et relever et envoyer des mails et aussi partager le soir avec les autres équipages des jeux et des chants.
Il est vrai que le temps retient encore tous les navigateurs au bercail mais une éclaircie est prévue et nous espérons bien pouvoir larguer les amarres jeudi, pour un premier mouvement de la saison II, d’abord vers Ushuaïa.
La Cardinale sera alors prête à accueillir le premier équipage vers les glaciers.
La Plum’ qui vous embrasse de cœur.
Saison 2: C’est reparti !
Pierre-Jean Jannin| 21 oct 2015| 1 comment
A l’heure ou j’écris ces quelques lignes, Jeanne, Benny et Lolo le mécano sont déjà arrivés à Buenos aires. Quelques jours de ballade dans la ville du tango et ils seront à pied d’oeuvre à bord de La Cardinale pour la remettre en route et accueillir les premiers OGS de cette nouvelle saison.
Pour se mettre en conditions, l’équipe OGS, Calixte Berger de Plankton-Planet et Vincent Zaleman qui a pris la suite de Benny et Alain à la tête du magasin AD, se sont retrouvés autour d’une table samedi dernier avec Martin l’un des capitaines de Tara, en escale à Nantes pour une semaine avant de monter à Paris pour la COP21 et Yves Aumont du journal Ouest France qui suit et relate fidèlement notre histoire depuis le début.
Ce fut l’occasion d’un bel échange à bord de la Goélette polaire ( encore une !) sur les expériences de chacun en matière de navigations australes et d’échantillonnage de plancton.
A très vite pour la suite des aventures de Benny et la Cardinale !
Pierre-Jean